Pepe Rodríguez

Índice temático:

Sectas
Afrontar la muerte
Crítica cristianismo
Invención de "Dios"
Tradiciones Navidad
Sexualidad del clero
Masonería
Mujer
Maltrato al menor
Periodismo investigación
Atentado terrorista 11-M
Apostatar (proceso)

Links:

Bases de datos
Buscadores
Editoriales
Enciclopedias
Guía telefónica
Translations
Periódicos
Religión
Sectas
Informes:

 

Novedades en el web

 

 

MISSION INTERMINISTERIELLE

DE LUTTE CONTRE LES SECTES

RAPPORT 2000

Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, 26 août 1789

Art. 4 - La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi.

Art. 10 - Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, mêmes religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi.

Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales

Art. 9-1 - Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites.

Art. 9-2 - La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui.

Table des matières

 

- p. 3            Introduction

- p. 7            Le contexte international

- p. 8            Liberté

- p.10           Sectes et relations internationales

- p.12           L'entrisme sectaire au sein des organisations non-gouvernementales (ONG)

- p.15           Le sommet des chefs religieux et spirituels (août 2000)

- p.18           Le deuxième rapport du Département d'Etat des Etats-Unis d'Amérique

- p.20           Les Assemblées parlementaires européennes

- p.22           Les sectes en France

- p.23           Rapports avec les principaux ministères

- p.30           L'Outre-Mer

- p.34           Au Sénat et à l'Assemblée nationale, la loi About-Picard

- p.39           La loyauté dans le contrat

- p.42           Formation professionnelle : d'utiles avancées

- p.48           Accélérer la mise en place d'une régulation administrative et déontologique des activités de psychothérapeute

- p.51           Etude de cas

                    La "galaxie" anthroposophique

                    Annexes


INTRODUCTION

          La Mission a accueilli récemment trois nouveaux collaborateurs dont la présence était impatiemment attendue. Venant des ministères de l'Education nationale, de l'Emploi et de la Solidarité ainsi que de l'Economie et des Finances, ils renforcent utilement ses effectifs qui sont, enfin, au complet. Un problème de locaux se pose désormais qui pourrait éventuellement trouver sa solution sur place dans les mois qui viennent.

          La Mission se félicite du concours permanent des services du Premier ministre dont elle dépend directement, concours qui facilite le travail interministériel et, pourquoi ne pas le dire, l'intraministérialité en certaines circonstances. Elle envisage une journée de réflexion sur ce thème au premier semestre 2001.

          Le Conseil d'orientation de la Mission, renouvelé et complété, devrait être en mesure d'apporter à la Mission le fruit de ses réflexions. Certains de ses membres ont d'ores et déjà accepté d'apporter leur appui par des études ponctuelles dont ce rapport conserve l'empreinte. Quatre réunions du Conseil ont été tenues (le décret institutif en prévoyant au moins deux par an). La plupart des membres du Conseil ont marqué leur intérêt pour les travaux de la Mission par leur assiduité aux séances, notamment les membres parlementaires en dépit de leurs charges multiples. Au cours de certaines de ces réunions, il a été procédé à d'utiles auditions de personnalités extérieures.

          Le Groupe opérationnel a été réuni sept fois en formation plénière ou restreinte, à l'initiative du Secrétaire général de la Mission. Il a mobilisé les hauts fonctionnaires de l'Etat sur des sujets de nature très diverse.

          La récente institution d'un Défenseur des enfants par la loi n°2000-196 du 6 mars 2000 a été saluée avec un vif intérêt par la Mission qui a établi aussitôt avec ses services des relations de collaboration.

          La Mission a poursuivi les fructueuses relations établies dès 1999 avec les deux principales organisations non-gouvernementales qui combattent le sectarisme, le CCMM-Centre Roger Ikor et l'UNADFI ainsi qu'avec d'autres associations aux objectifs plus limités (Antidote, Issue, Attention enfants, notamment). Elle a répondu à de multiples reprises aux sollicitations des instances régionales des associations précitées.

          Plusieurs réunions communes de travail ont été organisées avec les responsables du CCMM et de l'UNADFI. D'autre part, des entretiens mensuels avec le président de la FECRIS ont permis un suivi des affaires internationales sous l'angle des préoccupations associatives à l'échelle du continent européen (la FECRIS rassemblant désormais 28 associations ou antennes nationales constituées dans 10 pays).

          L'activité de la Mission au cours de l'année 2000 a été marquée par de nombreuses interventions que le Rapport détaille sur les points les plus importants. Parmi ceux-ci, la seconde année d'activité de la Mission a été scandée par :

- De nouvelles avancées législatives, notamment par le vote en première lecture de la proposition de loi About-Picard, par le dépôt de propositions de lois nouvelles touchant à la réglementation de la profession de psychothérapeute et par des études sur la question du non-encadrement des métiers de la formation.

- L'effort législatif porte ses fruits. La mise en œuvre de la loi 18 décembre 1998 tendant à renforcer le contrôle de l'obligation scolaire a ainsi permis des investigations opportunes par les services de l'Education nationale dans certains établissements scolaires sans contrat.

- Des interventions de formation, directe ou indirecte, des cadres de l'Etat, de plus en plus nombreuses, y compris dans la fonction publique hospitalière sur laquelle le précédent rapport avait appelé l'attention des pouvoirs publics.

- Pour la première fois, des expériences de formation ont concerné les collectivités décentralisées (en Seine-et-Marne, à l'initiative du Conseil général ; dans le Loiret, à celle de la présidence de l'Union des Maires ; en Guyane, avec le concours des Conseils général et régional).

- Une évolution internationale favorable aux thèses françaises, en dépit des pressions exercées par les sectes transnationales soutenues en certaines circonstances par des diplomaties étrangères et de pseudo-organisations non gouvernementales liées aux sectes. La Mission a été, en effet, très sollicitée tant par des Etats européens accédant depuis peu à la démocratie que par divers Etats d'Asie, d'Amérique latine et d'Afrique.

- La Mission a développé ses relations avec le Parlement de l'Union européenne ainsi qu'avec les élus de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. Elle a fait part, avec un certain succès, de ses observations à la Convention chargée de rédiger la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

- Parmi les priorités définies pour l'année 2000 par le Conseil d'orientation, le 24 février, la démocratisation du droit associatif dans la prévision de la commémoration en 2001 du centenaire de la loi sur le contrat d'association se poursuit en liaison avec les instances intéressées, les commissions parlementaires compétentes et la Mission Belorgey.

- La politique de partenariat avec les entreprises demanderesses, initiée l'an dernier, s'est poursuivie et se poursuivra dans les années à venir, afin de prévenir dans toute la mesure du possible les infiltrations multiformes du sectarisme dans le domaine économique (formation des personnels, formation continue, gestion des ressources humaines, maîtrise des services informatiques, accès indirects aux techniques de fabrication et aux recherches de laboratoire, fichier de clientèle, etc…).

- Dans le domaine de la défense des droits de l'Homme, la Mission a établi des relations avec la Ligue des Droits de l'Homme et du Citoyen et la Fédération internationale des Droits de l'Homme, souhaitant que leur présence devienne effective dans les divers forums internationaux que les sectes monopolisent depuis de nombreuses années. La Mission regrette que la reconnaissance de la FECRIS comme OING invitée aux forums de l'OSCE (BIDDH) n'ait pas été encore actée.

- S'agissant de la typologie du sectarisme, la Mission rappelle son refus de tout amalgame et son ouverture au dialogue, dès lors que ce dernier peut s'ouvrir dans des conditions de respect et de sérénité indispensables, dans un langage sans jargon spécifique ni ambiguïté. Sur cette base, des entretiens ont eu lieu tout au long de l'année dont on trouvera, par exemple, le signe dans l'étude de cas consacrée en 2000 à la "galaxie" anthroposophe que la Mission range parmi les mouvements nécessitant hors de toute polémique un examen approfondi.

- La Mission a poursuivi, enfin, une fructueuse collaboration intellectuelle avec plusieurs chercheurs, anthropologues, sociologues, psychiatres et psychologues dont les travaux éclairent utilement la nature et l'évolution du sectarisme contemporain.

      La Mission regrette en revanche le confusionnisme et le retard d'information qui persistent dans un petit nombre de publications, quel que soit le label scientifique, parfois surprenant, sous lequel leurs auteurs ont réussi à faire paraître leurs propos.

      De même, elle regrette que des colloques ne rassemblant que des personnes proches de mouvements sectaires (et parfois rémunérées par eux) puissent se tenir sous l'apparent patronage d'institutions publiques nationales ou internationales.

 

LE CONTEXTE INTERNATIONAL

Liberté

          Y aurait-il plusieurs conceptions de la liberté, l'une d'inspiration américaine, l'autre de tradition française ? L'une comme l'autre, quoique antithétiques, seraient bonnes pour les nations dont elles sont issues. La victoire éventuelle de l'une sur l'autre ne relèverait pas de la raison mais du rapport des forces en jeu. Dans cette optique manichéenne, si coutumière aux mentalités puritaines, la cause serait donc entendue.

          Il ne convient pas de céder à cette fausse symétrie, moins encore aux conséquences qu'elle induit.

          Les grandes libertés, dont celle de conscience, ont été affirmées aux Etats-Unis dès la Déclaration d'Indépendance de juillet 1776. L'intention du législateur, de Jefferson en particulier, était de séparer les églises de l'Etat afin que les conflits religieux qui avaient conduit tant d'Européens à émigrer outre-Atlantique ne se reproduisent pas dans la nouvelle nation. S'agissant plus spécialement de la liberté de religion, liberté de nature collective par différence avec la liberté de pensée qui ne relève que de la souveraineté individuelle, les termes de la Déclaration de 1776 parurent bientôt insuffisants [1] . En décembre 1791, le législateur américain votait un premier amendement à la Constitution, ainsi rédigé : "le Congrès ne fera aucune loi qui touche l'établissement ou interdise le libre exercice d'une religion". Il se privait ainsi de toute capacité de régulation et, ne définissant pas ce qui est une religion, laissait le champ libre à n'importe quelle autoproclamation.

          Le sectarisme contemporain n'a pas manqué d'exploiter cette redoutable ambiguïté. Les sectes exercent ainsi une double pression sur les pouvoirs publics sommés tout d'abord de leur consentir les mêmes avantages fiscaux qu'aux confessions religieuses qui ne posent aucun problème d'ordre public.

          Puis en excipant d'une étrange notion, celle de l'immunité convictionnelle, les sectes prétendent pouvoir s'abstraire de respecter les lois qui ne leur conviennent pas. Ainsi l'une d'entre elles, qui préconise la polygamie en vertu d'instructions divines dont elle serait dépositaire, viole délibérément la loi américaine qui réprime ce crime depuis de nombreuses années.

          La position de la France est tout autre. En 1789, deux années avant l'adoption par le Congrès du premier amendement à la Constitution des Etats-Unis, les législateurs français réunis en Assemblée constituante votaient la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen, texte fondateur qui fait actuellement partie intégrante du bloc constitutionnel de la Ve République. Ils souhaitaient consacrer les libertés fondamentales, bafouées jusqu'alors par l'arbitraire monarchique. Et en particulier la liberté de conscience. D'où le célèbre article 10 : "Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses". Mais les Constituants ajoutaient aussitôt "pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public".

          Les législateurs, bons juristes, savaient en effet qu'aucune liberté n'est effective si elle porte atteinte à celle d'autrui. L'article 4 de la même Déclaration l'énonçait d'ailleurs clairement : "La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui, ainsi l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi".

          De tels principes séculaires (ils n'ont été remis en cause que sous l'occupation nazie) sont à la base de deux lois qui ont assuré le fondement des libertés républicaines : la loi de 1901 sur le contrat d'association dont les dispositions assurent en France une liberté associative totale[2] et celle de 1905, dite de séparation des églises et de l'Etat, qui distingue la sphère de l'autorité publique de celle des convictions personnelles, philosophiques ou religieuses, interdisant à la première d'interférer dans le domaine de la seconde et à la seconde, d'exercer quelque tutelle que ce soit sur les institutions nationales.

          Ainsi, la République française ne reconnaît-elle pas les cultes[3]. Mais elle les connaît fort bien et n'a jamais nié leur existence ni la part d'influence qu'ils peuvent exercer sur les croyants qui s'y rattachent et sur la société tout entière.

          Une "autoproclamation religieuse" n'entraîne en France obtention d'aucun privilège, notamment en matière de legs ou d'imposition, ni autorise quiconque à se prévaloir d'une immunité convictionnelle. Les conflits civils qui peuvent éclater au sein même d'une organisation confessionnelle, où ils n'auraient pas trouvé solution, peuvent être tranchés par l'autorité judiciaire dès lors qu'un plaignant la sollicite. Quant aux avantages fiscaux consentis aux congrégations ou aux associations cultuelles, ces derniers relèvent de la loi qui en détermine à la fois les conditions d'attribution et le volume dans un document connu de tous, le Code général des Impôts. Enfin, nul ne peut récuser le respect de l'ordre public et des normes que le suffrage universel a sanctionné pour s'abstraire personnellement de leur respect.

          On comprend aisément que ce cadre déterminé par la souveraineté nationale gêne considérablement les mouvements sectaires accoutumés ailleurs à agir hors de tout encadrement et à échapper le plus souvent à la loi commune.

          En combattant les sectes, la France ne s'isole pas comme certains voudraient le faire croire. Confrontés aux mêmes défis, nombreuses sont les nations qui s'intéressent à l'expérience française. Ce faisant, la France inscrit sa démarche dans le fil le plus pur de sa tradition républicaine : protéger les droits de l'Homme menacés par les formes contemporaines de l'obscurantisme, les promouvoir en toute occasion et en appeler sans cesse au respect de la loi.


SECTES ET RELATIONS INTERNATIONALES

          Durant l'année 2000, la Mission a noué, à l'étranger comme en France, de très nombreux contacts internationaux.

          Tant auprès d'autorités nationales que d'organisations internationales, elle a pu s'informer sur les diverses perceptions et approches des problèmes posés par les dérives sectaires dangereuses et les mesures prônées pour y remédier.

          De nombreux pays ont aussi saisi la Mission, de leur propre initiative, pour évoquer la situation qui prévalait chez eux et parfois pour solliciter une expertise, à tout le moins des conseils. Ces démarches ont pris la forme de démarches d'ambassades accréditées en France ou d'envois de missions d'information à Paris.

          La Mission se félicite vivement de l'excellente et précieuse coopération qu'elle a pu mener avec les services du ministère des Affaires étrangères ainsi qu'avec l'ensemble de nos missions diplomatiques et consulaires.

          A l'issue de cette année d'échanges d'informations et de réflexions avec de très nombreux partenaires de diverses régions du monde, une constatation s'impose aisément : partout, les autorités ont pris conscience du caractère dangereux de certains groupes sectaires, pour les individus comme pour l'Etat, et partout la vigilance devient la règle. Et ceci, aussi bien vis-à-vis de mouvements sectaires locaux importants voire influents dans certains pays, que de groupes internationaux aux visées mondiales.

          A cet égard et quoi que prétendent certains de ces groupes, l'attitude générale de la très grande majorité des autorités gouvernementales converge clairement vers deux idées force : d'une part, protéger les droits de l'Homme et les libertés fondamentales contre les tentatives d'asservissement ou d'exploitation provenant de mouvements d'essence totalitaire et, d'autre part, lutter contre les prétentions fiscales de certains mouvements sectaires, et non des moindres, qui tentent d'arguer de leur soi-disant caractère spirituel afin d'échapper aux prélèvements fiscaux auxquels les destine pourtant leur nature commerciale.

          Ainsi, la liste des pays accordant l'exemption fiscale à ces mouvements est-elle, quoiqu'ils prétendent, très courte, et celle des refus de défiscalisation, très longue au contraire, et ce sur tous les continents. Ceci est particulièrement évident en Europe, et ce n'est pas parce que telle secte répète à l'envi qu'un pays scandinave lui accorde la défiscalisation qu'elle n'en reste pas moins contrainte aux règles fiscales des autres pays d'Europe.

          Ses nombreuses discussions avec des partenaires étrangers ont également permis à la Mission de faire l'encourageante constatation que sur tous les continents, les phénomènes sectaires suscitent de plus en plus de prudence et de circonspection dans l'approche et les études qu'en font les chercheurs universitaires, les milieux associatifs et les organes de presse. Et si, comme il est normal, les convergences d'analyse de ces divers protagonistes ne sont pas aussi marquées que celles constatées entre les organes officiels traitant des dérives sectaires, il n'en reste pas moins que dans leurs avis et commentaires, ces acteurs importants de la société civile expriment des doutes de plus en plus forts sur les vrais buts que leur semblent poursuivre de nombreux groupes sectaires dont ils constatent les excès.

          Sur la toile du "net" aussi les choses évoluent favorablement. Ainsi les sites des sectes qui étaient jusqu'ici tout à fait dominants doivent-ils désormais composer dans toutes les régions du monde avec d'innombrables sites dénonçant leurs activités répréhensibles et ouvrant notamment leurs pages à d'anciens adeptes qui y exposent les méthodes et techniques internes de fonctionnement de groupes dont ils ont été victimes et qu'ils connaissent bien pour y être restés souvent assez longtemps et y avoir, parfois, exercé des responsabilités.

          Des entretiens avec ses interlocuteurs étrangers, la Mission retient que dans les pays économiquement en difficulté ou à structure socio-politique fragile, l'importance des patrimoines amassés par les mouvements sectaires inquiète particulièrement en raison des considérables moyens de corruption et d'influence qu'ils leur confèrent.

          De même, a-t-elle pu observer qu'une des techniques de recherche d'influence utilisée assez régulièrement par les mouvements sectaires dans ces pays consistait en la proposition d'y implanter des structures socio-culturelles ou d'aides au développement supposées générer de nombreux emplois locaux.

          La Mission a constaté aussi qu'un peu partout dans le monde, les grandes sectes faisaient un usage croissant des procédures judiciaires et des interventions auprès des médiateurs au point que dans certains pays, le fonctionnement judiciaire, notamment au niveau des instances d'appel ainsi que celui des services des médiateurs s'encombrait lourdement et frisait la paralysie.

          De nombreux interlocuteurs officiels ont fait part à la Mission des fortes inquiétudes que leur inspirait cette judiciarisation des questions touchant aux droits de l'homme et à l'exercice des libertés individuelles fondamentales. Il est apparu ainsi à l'évidence que la majorité des responsables était favorable à l'encadrement juridique des libertés qui permet à chacun, sans exception, de pouvoir exercer avec la protection de la loi la plénitude de celles-ci, la seule limite étant naturellement de ne pas nuire à la liberté d'autrui.

          D'importantes réserves ont par contre été souvent émises vis-à-vis de l'autre système qui est adopté par quelques pays dont les Etats-Unis et qui consiste à protéger l'exercice des libertés individuelles par des procédures judiciaires qui présentent le double inconvénient d'une réparation a posteriori, donc seulement après que soit survenue la violation du droit et, d'autre part, de créer pour la victime l'obligation de devoir saisir elle-même la justice, ce qui n'est pas une solution aussi facile que certains le prétendent lorsqu'il s'agit, ce qui est somme toute assez fréquent, de requérants faibles ou démunis.

         Enfin, tous nos partenaires ont évoqué le recours croissant des sectes à la forme juridique d'Organisation internationale non-gouvernementale (OING) et tous sont d'avis que le nombre et le rôle de ces OING allaient croître considérablement dans un monde de plus en plus globalisé et où la société civile était appelée à jouer un rôle en accroissement constant.


Le monde des Organisations non gouvernementales et l'entrisme sectaire

          Dans leur fonctionnement international, les mouvements sectaires, surtout quand ils atteignent une dimension leur permettant et nécessitant tout à la fois des stratégies globales, utilisent volontiers les outils qui leur permettent d'échapper, en toute légalité, au contrôle des Etats et à la vigilance croissante de la plupart de ceux-ci. En cela, les sectes ne se différencient pas d'ailleurs des autres groupes de nature et d'objectifs différents qui cherchent eux aussi à tisser leur toile autour de la planète.

          Parmi ces modes d'action nouveaux qui échappent désormais de plus en plus aux Etats ("comme du sable dans la main" disait un interlocuteur de la Mission), les plus utilisés par les sectes sont, en premier lieu, l'entrisme dans les ONG et notamment dans celles accréditées auprès des organisations internationales ; ensuite les échanges et coordinations sur internet et enfin la libre circulation des capitaux. Ces derniers, surtout lorsqu'ils sont importants, procurent évidemment à leurs détenteurs, mal intentionnés, de grandes possibilités de corruption, de déstabilisation économique ou politique, de fausses aides au développement ou d'aides liées à l'octroi de positions d'influence permettant d'observer et d'influencer les preneurs de décisions, ainsi qu'au consentement d'avantages légaux, politiques, fiscaux ou financiers, toutes techniques que les sectes savent très bien utiliser.

         L'utilisation de la forme juridique ONG mérite notamment de retenir toute notre attention car désormais partout dans le monde, il est fait appel au dynamisme et à la créativité de la "société civile". Or, l'ONG est la forme juridique sous laquelle se manifestent les composantes les plus actives de cette société civile et de nombreuses ONG sont devenues de très forts leviers d'influence, de puissants relais d'opinion, de grands coordinateurs internationaux.

          La place et le rôle des ONG au sein des organisations internationales se sont considérablement accrus "au point qu'elles y ont acquis, pour certaines, plus d'importance que bien des Etats eux-mêmes", selon les propos tenus à la Mission par un haut fonctionnaire d'un pays d'Asie, qui ajoutait : "c'est un sujet qui nous préoccupe et dont nous parlons entre nous, au sein des non-alignés".

          Il ne s'agit évidemment pas pour la Mission de remettre en cause l'indéniable, l'irremplaçable utilité du travail des ONG auprès des organisations internationales ou à l'extérieur de celles-ci. Mais au fil des entretiens qu'elle a eus avec des représentants des cinq continents, il lui est apparu que les Etats insistaient de plus en plus sur la nécessaire vigilance avec laquelle il leur faut aborder la croissance exponentielle du nombre des ONG, qui renferment désormais en leur sein toutes sortes d'intérêts et de groupes préoccupants, parmi lesquels les mouvements sectaires se développent naturellement très vite.

          Ils le font selon deux méthodes, en créant des ONG ou en les investissant, surtout lorsqu'elles disposent déjà d'une accréditation auprès d'une organisation internationale.

          Devant le nombre croissant des demandes d'agréments d'ONG auprès de l'Organisation des Nations-Unies (l'ONU parle de demandes de "statut consultatif"), le Comité des ONG de l'ECOSOC a consacré, en cette année 2000, une partie importante de ses travaux à une réflexion sur la mise en place de nouvelles méthodes de travail pour procéder à une étude utile et efficace de ces demandes et, plus largement, sur le rôle des ONG au sein des organisations internationales.

          Le Comité des ONG a constaté l'accumulation exponentielle des demandes d'ONG désirant obtenir le statut consultatif auprès de l'ONU. Depuis 1966, 2012 ONG, dont au moins 1/3 d'origine religieuse selon le secrétariat général, ont obtenu ce statut consultatif et 918 autres ont déposé des demandes pour l'obtenir. Le seul énoncé de ces chiffres suffit à illustrer l'ampleur des problèmes à résoudre.

          En effet, si de 1948 à 1992, le nombre d'ONG ayant demandé et obtenu le statut consultatif est passé de 40 à 744, il s'agissait pour l'essentiel d'ONG connues ou dont les dossiers étaient facilement étudiables. Il n'en est plus de même, notamment depuis 1996, année où pour la première fois le comité des ONG a accordé le statut consultatif à des ONG exclusivement nationales, ceci dans le but de favoriser les ONG des pays du sud qui restent assez peu nombreuses en comparaison de celles des pays développés et qui ont en outre souvent des difficultés à apporter la preuve que leurs activités sont de portée internationale. Toutefois, bien qu'élargies au bénéfice des pays du sud, les conditions d'accès au statut consultatif ont principalement bénéficié aux ONG originaires des pays développés et notamment de l'Amérique du Nord.

          Lors de ses travaux, le Comité des ONG a recherché les moyens d'améliorer ses méthodes de travail et ses moyens d'investigations sur les ONG demandant leur agrément, ceci afin de pouvoir mieux étudier leur nature juridique et leur raison sociale, qui est souvent énoncée en termes assez vagues, ainsi que l'intérêt réel que celles-ci peuvent présenter pour l'ONU. De même, a été étudiée la question du degré d'autonomie d'une ONG par rapport à une ONG "mère". Parmi les propositions faites pour une meilleure étude des dossiers figure celle de solliciter des Etats membres qu'ils étudient de plus près et dans l'intérêt du fonctionnement des organisations internationales, les demandes d'accréditation d'ONG établies juridiquement chez eux.

          Une analyse plus poussée des demandes de "leurs" ONG par les Etats constituerait en effet un bon progrès même si l'on sait que certains Etats, et pas des moindres, ont dans le domaine des ONG des positions tout à fait laxistes.

          De même, ont été aussi discutées, sans conclure, deux possibilités : que le secrétariat général diffuse sur le "net" les demandes d'accréditation faites par les ONG, ainsi que l'idée d'instituer un quota aussi bien pour le nombre de représentants de chaque ONG que pour le nombre des ONG elles-mêmes.

          Par ailleurs, et ceci concerne de près les fonctionnements sectaires, le Comité des ONG s'est penché sur les moyens de rendre beaucoup plus "effective" l'étude des rapports quadriennaux fournis par les ONG déjà accréditées aux fins de renouvellement de leur statut consultatif. Pour ce faire, le Comité a demandé que le secrétariat exige des ONG des rapports à la fois plus explicites et plus complets. De son côté, le secrétariat général a souhaité que les membres du Comité consacrent tous les moyens dont ils peuvent disposer à l'analyse de ces rapports d'étape. Ce raffermissement d'attitude vis-à-vis des demandes de renouvellement d'agrément revêt de l'importance car il peut conduire à une mise à l'écart de mouvements sectaires dont les buts et moyens pouvaient avoir été difficiles à apprécier lors de la demande initiale.

          Au sein même de la conférence des ONG ayant des relations consultatives avec les Nations-Unies (CONGO) qui regroupe quelques 350 ONG dont beaucoup sont à la fois anciennes et importantes, on semble d'ailleurs loin d'être opposé à un approfondissement des procédures d'examen des demandes d'agrément des ONG ; car, dans cette enceinte aussi, nombreuses sont les voix qui s'élèvent pour dénoncer l'utilisation à des fins partisanes et égoïstes de "certaines soi-disant ONG qui semblent plus préoccupées de se servir que de servir" nous a ainsi déclaré le président d'une grande ONG à statut consultatif.

          De nombreux autres interlocuteurs, responsables d'ONG, déclarent ouvertement que pour les ONG de caractère sectaire, l'obtention du statut consultatif auprès de l'O.N.U. et d'autres organisations internationales a pour but essentiel de leur permettre de profiter, c'est-à-dire d'abuser, de la "dignité" que leur confère ce statut consultatif.

          Et l'on comprend bien pourquoi, quand on voit la façon dont ceux-ci usent et abusent de ce label de statut consultatif, combien ils s'en gargarisent dans chacune de leurs interventions publiques, chacune de leurs publications, chacune de leurs manifestations. Le summum est atteint lorsque deux ou plusieurs ONG sectaires, provenant d'ailleurs, éventuellement de la même ONG "mère", se légitimisent les unes les autres et s'honorent de leurs soutiens réciproques, voire, ce qui est encore plus élaboré, se réjouissent de constater que parties d'horizons différents, elles convergent vers les mêmes conclusions… S'en suivent alors des comportements et des dénonciations d'abord coordonnés puis identiques : ce phénomène a pu être observé en France à propos des protestations rituelles de certaines organisations sectaires contre la liste des 173 mouvements sectaires recensés par le rapport parlementaire de 1995. Scientologie en tête et d'autres à sa suite, proclament ainsi que cette liste contient les Baptistes (la religion du président et du vice-président des Etats-Unis, est-il précisé pour accentuer l'ignominie de la chose), les Mormons ainsi que les Adventistes du 7ème jour, quand chacun sait bien qu'il n'en est évidemment rien. La proclamation, outrée et orchestrée, de telles contrevérités présente cependant un double avantage : en même temps qu'elle se retourne contre ses auteurs, elle fait également apparaître clairement lesquels,  parmi ces milieux sectaires, se nourrissent du même grain…


LE SOMMET MONDIAL DES CHEFS RELIGIEUX ET SPIRITUELS (août 2000)

          Deux initiatives d'importance inégale ont été patronnées ou encouragées par le secrétariat général des Nations-unies au cours de l'année 2000 : en août à New-York, le sommet mondial des chefs religieux et spirituels, dont les travaux ont été précédés d'un important discours de M. Kofi A. Annan et, en novembre, le symposium international des associations "sur les sectes destructives", ouvert par une intervention de Mme Kerstin Leitner, représentante à Pékin du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD).

          Si ce dernier a surtout permis aux nombreuses délégations étrangères de manifester leurs inquiétudes à l'égard du prosélytisme sectaire et leur souci de faire prévaloir des solutions appropriées, le sommet de New-York avait de plus larges ambitions à la veille du troisième millénaire.

          Il aurait été sans doute plus logique que cette assemblée, dès lors qu'elle avait reçu le soutien de M. Kofi A. Annan, se soit tenue de préférence à Genève où sont implantées les institutions des Nations-Unies chargées des droits de l'Homme. En outre, un lieu plus modeste que le luxueux Waldorf new-yorkais aurait été préférable.

          Il aurait été opportun, s'agissant du financement d'une telle rencontre spirituelle, d'éviter de collecter des fonds d'entreprises ou de fondations dont l'objet social n'a rien à voir avec l'expression confessionnelle. Or, on relève parmi les financeurs, à côté de la fondation des Nations- Unies, le fonds Rockfeller, une association fondée par Ted Turner, la fondation Ford, etc… Un tract d'information publié en juillet signale toutefois qu'un certain nombre de groupes religieux ont aussi apporté un concours "en sponsorisant les repas et en apportant des contributions en nature". Ni l'identité de ces groupes, ni l'origine de leurs contributions n'ont été publiées.

          Il aurait été souhaitable, s'agissant des délégations religieuses appelées à participer à cette rencontre, qu'il n'y ait ni oublis, ni refus d'invitation. S'agissant des omissions, il est assez singulier d'observer que la plupart des responsables français des grandes confessions (dont la participation avait été officiellement annoncée), ont déclaré n'avoir jamais reçu d'invitation.

          Il aurait été souhaitable que le gouvernement des Etats-Unis se dispense de participer politiquement à cette assemblée, comme l'ont fait, sans exception, les gouvernements des Etats membres des Nations-Unies (fâcheusement, le révérend Jessie Jakson, sherpa du président Clinton, était présent sous les qualités confondues de "leader chrétien" et d'"envoyé spécial du président").

          L'allocution d'ouverture prononcée par le Secrétaire général le 30 août a pu surprendre. Elle avait valeur d'admonestation à l'égard de tous ceux qui prêchent l'intolérance et le fanatisme religieux, l'obscurantisme, la contestation ou le rejet des libertés civiles, enfin le soutien de nationalismes abusifs sous couvert de convictions religieuses. Allant plus loin encore M. Kofi A. Annan a reproché aux leaders religieux leur timidité dans la lutte contre la persécution et la haine : le problème, à ses yeux, n'est pas du côté de la foi mais dans l'attitude timorée de trop de croyants.

          Les thèmes à l'étude ont été repris dans une résolution adoptée en faveur d'une culture mondiale de la non-violence et dans l'optique d'un combat à engager ou à renforcer contre le fanatisme religieux, la pauvreté, le sous-développement, l'arme nucléaire et les atteintes à l'environnement. L'avenir dira quelle suite sera concrètement donnée à ce catalogue d'excellentes intentions qualifié par le secrétariat de la Conférence de "phenomenal response from religions leaders around the world".

          Cependant, la rencontre du millénaire avait aussi pour objet de définir une grille d'analyse permettant de distinguer entre les églises authentiques, dénommées modestement "major institutions", et les mouvements à prétention religieuse.

          Quatre critères ont été retenus. Le premier est celui de l'importance historique. Une notion aussi floue ne peut être interprétée que de façon très large : étendue démographique, durée chronologique, implication culturelle, influence sociale et politique, etc… Pratiquement tout mouvement se déclarant religieux peut y prétendre, y compris les groupes les plus contestables dès lors même que leur comportement a pu dans le passé entraîner de lourdes ou de durables conséquences pour la société dans laquelle ils agissaient. On pourrait rapprocher cette caractéristique, par son imprécision, de celle qui permet à n'importe quelle organisation non gouvernementale de se faire reconnaître comme organisation internationale par les Nations-Unies, même si elle n'exerce aucune activité à l'étranger (décision de 1986, prise à l'instigation des Etats-Unis).

          Le second critère évoqué par la Conférence est celui du nombre des adeptes. Il n'est pas moins incertain. S'il paraît évident que les centaines de millions de certaines confessions forment un ensemble numériquement représentatif, que penser d'un mouvement religieux aux adhérents nombreux dans des Etats de faible volume démographique. En outre, à quel niveau placer le curseur dans les autres Etats ?

          L'intolérance religieuse, par ailleurs, qui sévit dans de nombreux Etats à tendance théocratique interdisant la liberté d'expression publique d'autres confessions et de la plupart des mouvements philosophiques, comment dénombrer les adeptes de mouvements interdits de manifestation et sans personnalité juridique ?

          L'étendue géographique, troisième critère, induit les mêmes observations que les deux précédentes.

          Le quatrième et dernier critère retient la notion d'ancienneté, avec le commentaire suivant : "le fait que la religion ou la foi aurait plus de cent ans et que son fondateur charismatique ou son chef n'est plus en vie est une indication générale".

          Ainsi, faute de pouvoir s'entendre sur une définition de la notion de religion, le seul critère quelque peu précis est celui de l'ancienneté. Il n'en appelle pas moins de vives réserves. Cette conception rejoint la législation de certains pays ex-soviétiques. En Russie, la loi de 1997 sur la liberté religieuse impose, entre autres contraintes, une existence minimale de 15 ans sur le territoire pour qu'un mouvement se déclarant religieux puisse prétendre à la personnalité juridique. Cette obligation tend indirectement à conforter l'audience des confessions qui ont joué un rôle historique au plan politique et social et concéder aux autres un délai prédéterminé pour s'adapter aux normes juridiques nouvelles de sociétés au demeurant en voie de laïcisation. La loi de 1997 a suscité de vives protestations d'églises chrétiennes minoritaires, notamment de l'église catholique. Toutefois, ce délai "séculaire" proposé pour reconnaître les églises authentiques ne semble pas avoir suscité de réserves particulières d'une majorité de chefs religieux, en dépit de la durée arbitraire de l'enracinement requis.

          L'"indication générale" du quatrième critère valide d'autre part la position privilégiée des institutions majeures par le fait que leur fondateur, leur chef charismatique est mort. On pourrait avec mauvais esprit imaginer que cette suggestion ne concerne pas le Christianisme ni un certain nombre d'autres confessions dans la mesure où elle nierait la résurrection du fondateur. Doit-on plutôt voir dans ce critère une obligation supplémentaire tendant à prouver que la confession a été en mesure de survivre à son initiateur charismatique ? Dans cette hypothèse, l'exigence d'une durée de cent ans paraît alors bien modeste pour garantir la pérennité d'une vérité ou d'une erreur.

          Il est difficile de tirer des réflexions émises à l'occasion de la Conférence, un corps de critères objectifs. La diversité des conceptions représentées l'interdisait sans doute. L'élaboration d'une grille de lecture, pour défectueuse et imprécise qu'elle soit n'en reflète pas moins la lente progression d'une idée : la nécessité d'aller vers une détermination du sens communément donné à la notion d'église ainsi que d'une certaine mise en forme juridique de cette notion.

          Conscient de la disparité des situations locales et du caractère polycentrique de certaines confessions, la Conférence estime qu'une cartographie des réalités religieuses s'impose et qu'elle doit être confiée à des experts. La suite de ces réflexions et leur suivi sont d'ailleurs confiés au secrétariat général du "Sommet mondial pour la paix", organisme d'inspiration interconfessionnelle.


Le deuxième rapport du Département d'Etat des Etats-Unis D'amérique

----------

          Le second rapport annuel du Département d'Etat américain sur la liberté de religion dans le monde (hormis les Etats-Unis) est paru le 5 septembre 2000.

          Sans vouloir polémiquer sur la légitimité internationale que posséderait un tel rapport aux yeux des autorités américaines, la lecture de celui-ci amène la Mission à formuler un certain nombre de constatations et d'interrogations.

          Dans son sommaire de présentation (executive summary) le Département d'Etat consacre sa première partie aux "entraves à la liberté religieuse dans le monde", elle-même divisée en sous-parties. Dans l'une de celles-ci, le cas de la France est évoqué.

          Le titre lui-même de cette sous-partie, "stigmatisation de certaines religions en les associant à tort à des cultes ou sectes dangereux" (page 17-64 du rapport) constitue un clair jugement par le Département d'Etat de la nature religieuse ou non de tel ou tel mouvement. Or un tel jugement apparaît paradoxal, pour dire le moins, émanant d'un organisme officiel de l'exécutif américain qui, de par le 1er amendement à la Constitution américaine, est censé justement ne pas pouvoir se prononcer aux Etats-Unis sur la nature religieuse ou non d'un groupe, d'un mouvement, d'un culte, d'une secte ou de tout autre organisme. Le 1er amendement vaudrait-il seulement pour le territoire de la Fédération américaine et le gouvernement américain en serait-il exonéré dans le reste du monde ?

          A l'intérieur de cette sous-partie, le texte consacré à la France manifeste parfaitement cette capacité que s'arroge le Département d'Etat de juger du caractère religieux ou non de mouvements français, ainsi d'ailleurs que de leur dangerosité. Le texte commence en effet par cette affirmation péremptoire : "un rapport de l'Assemblée nationale de 1996 de même qu'un rapport parlementaire de suivi de 1999, étiquettent 173 groupes comme "sectes", décisions qui ont contribué à une atmosphère d'intolérance envers les minorités religieuses. Quelques-uns des groupes de cette liste sont d'évidence dangereux, mais la plupart sont seulement mal connus ou impopulaires" … On ne peut s'empêcher de regretter que le Département d'Etat ne communique pas les listes qu'il semble, à l'évidence, avoir établi pour lui-même, des groupes qui peuvent en France se prévaloir du titre de "groupe religieux", de ceux qui au contraire ne peuvent y prétendre et enfin de ceux qui "sont clairement dangereux". Un seul mouvement est cité dans cette dernière catégorie, l'Ordre du Temple Solaire (p.5-9 de la rubrique du rapport intitulée "le traitement des minorités religieuses en Europe de l'Ouest"). On attend les autres noms qui justifieraient l'utilisation, dans le rapport, du pluriel.

          On ne peut pas non plus s'empêcher de s'interroger sur l'objectivité des auteurs du rapport qui n'hésitent pas pour ce qui concerne la France à utiliser des termes vagues, ambigus, à faire des amalgames erronés et à évoquer des opinions ou des sources non précisées.

          Par exemple, à la page 5-9 de cette même rubrique du rapport intitulée "le traitement des minorités religieuses en Europe de l'Ouest" on lit, sous la rubrique "France", ce passage : "Mais il est vrai aussi que la France a été à l'avant-garde de cette pratique problématique de créer des soi-disant "listes de sectes". Et le texte continue, de façon étrange et quasi incompréhensible puisqu'il semble faire preuve d'une ignorance complète du principe de la laïcité française en raison de la séparation entre les églises et l'Etat : "ces listes sont créées par des agences gouvernementales - en France la liste faisait partie d'un rapport parlementaire - et contiennent les noms d'un grand nombre de groupes religieux auxquels le gouvernement n'accorde pas la reconnaissance ("which may not be recognized by the government").

          En plus de ce qui semble être une surprenante confusion entre les instances exécutives et législatives françaises, est-il besoin de rappeler que tout comme la Constitution américaine, la Constitution française n'autorise pas les autorités gouvernementales à reconnaître si tel ou tel groupe est de nature religieuse et que, par conséquent, celles-ci ne se livrent pas à de telles classifications.

          Ceci a naturellement été régulièrement répété aux représentants américains lors des nombreux contacts qu'ils ont eus avec des interlocuteurs officiels français. Mais pour quel résultat ?

          Le rapport américain reproduit, en outre, certains passages du rapport précédent (1999) sans les actualiser au fond. Mais la forme laisse croire à une telle actualisation. Un exemple : "Certains groupes qui apparaissent sur la liste française continuent à faire état d'actes de discrimination" écrivent les rapporteurs qui poursuivent : "L'un d'entre eux est l'Institut théologique de Nîmes, un institut biblique privé fondé en 1989 par Louis Demeo, pasteur d'une église associée"[4]. Or, à la connaissance de la Mission, l'Institut théologique de Nîmes s'était plaint dans le passé de malversations (notamment 2 voitures incendiées). Ces plaintes ont fait l'objet d'enquêtes de police qui, faute d'éléments probants, n'ont pu en imputer l'origine à des responsabilités externes. Il ne lui paraît pas qu'en cette année 2000, cet "Institut" ait dénoncé des actes de discrimination à son encontre ou à celle de ses membres. Mais il est vrai que le Département d'Etat connaît apparemment bien cet Institut puisque, lors d'une de son inscription à la conférence de la BIDDH de Vienne en 1998, celui-ci avait donné comme adresse celle … du Département d'Etat à Washington.

          De même, le rapport mentionne-t-il de façon générale et sans précision que "l'église de Scientologie se plaint que ses membres aient été les cibles de comportements discriminatoires". Une phrase est bien consacrée à une décision de refus d'autoriser une exposition d'art prise par une autorité locale assez vaguement décrite comme "un officiel d'un district (?) de Paris". Cette décision daterait d'avril 1999. Or, le rapport du Département d'Etat couvre, ainsi qu'il le précise lui-même, la période du 1er juillet 1999 au 30 juin 2000. Comme le Département d'Etat traite abondamment dans son rapport de la Scientologie en France, laquelle semble l'informer avec précision de ses griefs et des discriminations dont ses membres seraient l'objet, on doit en conclure que du 1er juillet 1999 au 30 juin 2000, période couverte par le rapport, aucun acte discriminatoire n'a été relevé à son encontre par la Scientologie. Dans un pays comme la France attaché à la défense des libertés individuelles et luttant contre toutes les formes de discriminations, qui s'en plaindrait ?

          Il est regrettable, en revanche, qu'un jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris concernant un parlementaire connu pour son action contre les menées sectaires ait été présenté comme définitif alors qu'il est frappé d'appel. Cette inexactitude jette un doute supplémentaire sur la loyauté des rédacteurs du rapport américain.


LES ASSEMBLÉES PARLAMENTAIRES EUROPÉENNES

L’Union européenne

La Mission se félicite de la vigilance croissante des Etats membres de l’Union européenne à l’égard du phénomène sectaire et de ses dérives. Pour autant, leur comportement vis-à-vis de cette question est encore assez hétérogène et insuffisamment concerté. La convergence qui se dessine progressivement ne s’est pas encore traduite par la détermination d'une attitude commune.

La Mission souhaite favoriser une concertation entre les nations partenaires afin que l’Union européenne, comme le Conseil de l’Europe l’a fait en 1999, puisse affirmer une position cohérente à l’égard du fléau sectaire et mettre en œuvre des mesures appropriées.

La Commission des libertés publiques et des affaires intérieures du Parlement européen pourrait prolonger les réflexions amorcées par une excellente résolution adoptée en décembre 1998[5] et soumettre prochainement un texte plus élaboré au vote des parlementaires réunis en séance plénière. A cet effet, la Mission va poursuivre les démarches engagées en novembre auprès des groupes parlementaires européens de diverses tendances politiques et, par ailleurs, entreprendre la sensibilisation des différentes instances de l'Union telles la Commission et le Conseil.

          La Mission se devait de remplir son rôle de vigilance à l’égard de la Charte européenne des droits fondamentaux de l'Union européenne, texte représentatif des valeurs portées par l’Union européenne en matière de droits de l’Homme et susceptible d’être ultérieurement intégré dans les traités ou de devenir le préambule d’une future Constitution européenne.

Elle a donc saisi la représentation française à la "Convention", organe chargé de rédiger les articles de la Charte, afin d’attirer principalement son attention sur deux points :

- Des pseudo-mouvements des droits de l’Homme, actuellement suscités en grand nombre par le sectarisme transnational, ne manqueraient pas d’exploiter certaines formulations trop concises ou ambiguës de la Charte et tenter ainsi d’y introduire des principes contraires à l’article 4 de la Déclaration française des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789. En aucun cas, les formulations adoptées dans la Charte ne sauraient être répressives par rapport au droit français.

Des observations ont donc été faites sur un certain nombre d’articles en cours de rédaction. Elles ont été prises en compte par nos interlocuteurs qui les ont répercutées. La Mission salue, par ailleurs, la vigilance des élus nationaux et du gouvernement français dont les interventions ont notamment permis de substituer dans le préambule[6] l’expression "patrimoine spirituel et moral" à l’"héritage culturel, humaniste et religieux". Les sectes n'auraient pas manqué d'interpréter cette formulation, la plupart d'entre elles s'étant auto-proclamées religieuses afin de pouvoir prétendre à une immunité de conviction à l'encontre des dispositions législatives communes à tous.

- Les sectes n'ont pas manqué de déployer une intense activité de lobbying auprès des membres de la Convention, en profitant de l'association des OING aux réflexions sur la Charte par le biais d’auditions et de la mise en service d’un forum internet destiné à recueillir leurs avis. La Mission a informé les rédacteurs de la Charte de la participation potentielle à cette consultation de pseudo          OING, "faux-nez" de sectes bien connues et les a incités à la vigilance.

Le Conseil de l’Europe

La Recommandation n°1412[7] votée par l'assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe en 1999 ne saurait rester sans suite. Ses dispositions doivent être examinées par le Comité des ministres qui devrait faire connaître son point de vue au cours de l’année 2001.

La Mission suit avec attention la mise en œuvre progressive des diverses dispositions contenues dans la Recommandation.

 

LES SECTES EN FRANCE

RAPPORTS AVEC LES PRINCIPAUX MINISTÈRES


Ministère des Affaires Étrangères

          Les conséquences internationales de l'action des mouvements sectaires, leur volonté d'étendre leur influence non seulement dans la plupart des pays mais aussi auprès des organisations internationales ou lors de grandes conférences, n'ont pas échappé au ministère des Affaires étrangères.

          Grâce au vaste réseau que constituent ses missions diplomatiques et consulaires et ses représentations permanentes auprès des institutions multilatérales, le ministère des Affaires étrangères opère une veille mondiale sur les développements sectaires importants ou significatifs, dans un pays particulier aussi bien qu'à l'échelle régionale ou internationale.

          Il peut ainsi entretenir avec les autorités locales de toute nature, de fructueux échanges de réflexions et enregistrer, dans de nombreux cas, une convergence des vigilantes préoccupations des autorités face aux menaces que font peser certaines graves dérives sur les individus aussi bien que sur le bon fonctionnement des institutions.

          La coopération entre le ministère des Affaires étrangères et la Mission est excellente aussi bien à l'étranger qu'en France où ses nombreux services lui procurent toute l'aide qu'elle peut souhaiter. De son côté, la Mission apporte bien volontiers son concours à nos missions diplomatiques, notamment dans certaines enceintes internationales en les faisant bénéficier de son expertise, de ses analyses et de ses avis.

          En ce qui concerne les grandes lignes de l'action conduite par la Mission en liaison étroite avec le ministère des Affaires étrangères, il convient de se reporter au chapitre consacré aux relations internationales.

Ministère de la Justice

          Les relations de la Mission avec les services du Garde des Sceaux n'ont pas cessé au cours de l'année 2000.

          Des affaires dont la Mission a été saisie et qui lui ont paru d'une certaine gravité ont fait l'objet d'un signalement à l'autorité judiciaire.

          Celle-ci a communiqué à la Mission différentes statistiques d'un grand intérêt qui montrent qu'à présence sectaire à peu près étale en France, la Justice a eu, plus que par le passé, à connaître d'affaires touchant au sectarisme. Actuellement, environ 260 affaires sont soumises à son attention. Parmi elles, un certain nombre concernent des infractions ou des crimes commis à l'encontre de mineurs victimes d'abus sexuels dans le cadre de mouvements à caractère sectaire (viol, agression sexuelle, faits de proxénétisme ou de corruption).

          Au plan législatif, la Mission a été interrogée par les services de la Chancellerie à propos des propositions de loi parlementaires tendant à réprimer plus fermement les infractions commises par des personnes morales et à décider, le cas échéant, de leur dissolution.

          La Mission a noté avec satisfaction la présence régulière de l'autorité judiciaire aux réunions des cellules départementales de vigilance prévues par la circulaire de 1997.

 

Ministère de l'Intérieur

          La Mission a établi, depuis son institution, des relations constantes avec le ministère de l'Intérieur qui lui apporte un appui appréciable.

          Elle participe fréquemment aux réunions des cellules de vigilance préfectorales qui permettent une observation approfondie de la situation du sectarisme dans chaque département, d'en suivre l'évolution et, le cas échéant, de prendre les mesures appropriées en mobilisant l'ensemble des fonctionnaires de l'Etat.

          Les relations avec la préfecture de police de Paris, indispensables en raison du grand nombre de mouvements sectaires présents dans la capitale, se sont développées à la satisfaction générale pendant l'année 2000. Quelques abus sectaires qui constituaient autant d'"irritants" pour la population parisienne ont heureusement disparu.

Ministère de l'Éducation Nationale

          La Mission est fréquemment sollicitée par les cadres de l'éducation nationale, les enseignants et les parents d'élèves, signe d'une vigilance de plus en plus déterminée à l'égard des tentatives d'investissement sectaire dans ce secteur particulièrement sensible et exposé.

          Aussi conviendrait-il que les futurs professeurs, notamment les étudiants des Instituts Universitaires de Formation des Maîtres (IUFM), puissent recevoir systématiquement une formation approfondie touchant aux valeurs républicaines et une sensibilisation particulière aux principes de la laïcité, fondements communs à tous les citoyens qui composent la nation. Une circulaire en ce sens serait sur le point d'être adressée aux directeurs des IUFM. La Mission se tient prête à apporter son concours aux conférences de sensibilisation qui pourraient être organisées.

          En liaison avec la direction des affaires juridiques du ministère, un opuscule destiné plus particulièrement à l'information des cadres administratifs sur le sectarisme est en cours de préparation. Il serait souhaitable que sa rédaction soit achevée dans le courant de l'année 2001.

          La Mission a répondu à d'innombrables sollicitations de classes et d'établissements d'enseignement, publics et privés (conférences, demandes de documentation), tant en France métropolitaine que dans les départements d'outremer.

          La question de quelques (rares) enseignants, membres déclarés et actifs de sectes, qui ne professent pas leur conviction pendant les heures de cours mais exercent en périphérie de l'école un "rayonnement" particulièrement nocif, n'est toujours pas administrativement résolue.

          Pour la première fois, la Mission a participé au Salon de l'Education (22-26 novembre 2000) où elle a tenu un stand d'information fort visité. Une plaquette d'information a été largement diffusée. Sous la présidence de la Mission, une conférence-débat a été organisée avec le concours des principaux ministères concernés et des deux principales associations de lutte contre le sectarisme.

Ministère de la Jeunesse et des Sports

          Les relations traditionnellement excellentes entre ce département ministériel et la Mission se sont poursuivies tout au long de l'année.

          La Mission participe régulièrement, à la demande du ministère de la Jeunesse et des Sports, aux séminaires de formation de ses cadres.

          Des contacts particuliers ont été établis à propos de dérives éducatives observées dans certaines associations non reconnues par la Fédération du scoutisme français mais pouvant, à l'occasion de vacances organisées, solliciter l'agrément des instances compétentes. La vigilance du ministère, dans le respect des libertés associatives, a été appréciée.

          La Mission souligne toutefois une certaine insuffisance législative ou réglementaire s'agissant des centres de vacances ouverts en France par des associations étrangères et accueillant parfois de jeunes Français parmi une majorité de non-nationaux. Il serait souhaitable que le contrôle de la Jeunesse et des Sports soit habilité à s'exercer sur ces centres dont le nombre semble se multiplier, notamment dans plusieurs départements du sud de la France, et que ce contrôle s'étende au-delà de la compétence technique des personnels d'accompagnement et de la conformité des locaux aux règles d'hygiène et de sécurité.

          La politique d'agrément du ministère de la Jeunesse et des Sports rencontre l'assentiment de la Mission qui apprécie les réflexions actuellement en cours, dans cette optique, pour améliorer encore les garanties offertes. L'expertise du ministère en la matière pourrait être étudiée avec fruit par d'autres départements ministériels.

          La Mission souligne enfin avec satisfaction les nombreuses initiatives ministérielles et décentralisées de la Jeunesse et des Sports en matière d'information et de prévention au bénéfice de la jeunesse.

 

Ministère de l'Emploi et de la Solidarité

          Des relations positives de travail et de réflexions se sont poursuivies pendant l'année 2000.

          Des contacts directs ont été pris avec le ministre ainsi qu'avec les ministres délégués et les secrétaires d'Etat.

          Des liaisons constantes ont été entretenues avec le chargé de mission auprès du sous-directeur du Développement social, de la Famille et de l'Enfance et la chargée de mission compétente de la Mission, nommée en octobre 2000.

          La publication en octobre de la première circulaire de ce département concerné par de multiples problèmes a constitué une appréciable avancée en raison de l'ampleur du champ de compétence concerné et des méthodes suggérées en annexe pour répondre, administration par administration, aux défis multiples du sectarisme.

          S'agissant de la formation professionnelle, d'une part, et des psychothérapies, d'autre part, se reporter aux chapitres qui leur sont consacrés.


L'OUTRE-MER

          L'attention de la Mission au problème du sectarisme dans les départements d'outre-mer a été prolongée pendant l'année 2000 sur un double plan :

          - le fonctionnement régulier des cellules préfectorales de vigilance.

          - les problèmes spécifiques posés par la pénétration du sectarisme au sein du dispositif scolaire public et privé.

          Trois missions de la M.I.L.S. ont été effectuées, en Guyane en février, en Martinique et en Guadeloupe en mai. Une mission aura lieu à la Réunion au début de l'année 2001, avec les mêmes objectifs.

les cellules de vigilance

          Comme dans les départements métropolitains, le suivi du sectarisme est généralement confié par les préfets à un collaborateur proche, le directeur de cabinet le plus souvent.

          Les réunions se tiennent en préfecture, selon un rythme variable, en fonction de l'actualité du sectarisme. Le passage régulier du président ou d'un membre de la MILS favorise la tenue de réunions plénières auxquelles assiste, sur invitation, l'autorité judiciaire et notamment le magistrat de la cour d'appel chargé du suivi des problèmes sectaires. Les associations agréées sont, aussi bien en France métropolitaine que dans les départements d'outremer, invitées à ces plénières. Leur présence semble particulièrement précieuse. Ainsi en Guadeloupe, des informations ont pu être prises en considération alors que le service qui aurait dû les signaler paraissait les ignorer.

          Les réunions plénières permettent un échange approfondi de données et de réflexions entre services accoutumés auparavant à fonctionner en interne. L'action des préfets et de leurs collaborateurs directs facilite d'autant mieux le suivi du sectarisme et l'élaboration de stratégies pertinentes qu'ils s'impliquent eux-mêmes et prennent la juste dimension des menaces que l'expansion contemporaine des sectes fait peser sur des institutions parfois fragilisées par une situation socio-économique délicate et une localisation géographique particulière.

          Allant au-delà des réunions de la cellule de vigilance, des initiatives ont été prises en Martinique pour apporter le concours des services de l'Etat à des initiatives d'origine variée : conférence du Centre régional d'information jeunesse (CRIJ) dans les locaux mêmes de la préfecture de Fort-de-France (environ 250 participants), présentation d'une documentation élaborée sur place à destination des élèves du secondaire et des étudiants (édition d'un prospectus d'alerte et d'une affichette avec le concours de la mairie de Fort-de-France), initiative d'élèves de BTS au sein d'un lycée privé (AMEP) etc…

          La Mission souhaite que ce type d'initiative déconcentrée et appuyée sur le tissu associatif se multiplie et que les pouvoirs publics contribuent activement à leur succès.

          Le concours des élus départementaux et régionaux a été sollicité. En Guyane, une réunion d'information a été tenue devant les élus et les fonctionnaires de responsabilité de l'une et de l'autre assemblée. En Martinique, des élus ont participé à la réunion de la cellule de vigilance élargie. En Guadeloupe, des entretiens avec les présidents des deux assemblées ont été tenus.

          La Mission, en raison des responsabilités particulières des élus territoriaux souhaite que des réunions d'élus soient organisées à la Réunion, en Martinique et en Guadeloupe à l'instar de ce qui a été programmé en Guyane, dès lors que les échéances municipales prochaines permettront de les organiser.

          A l'occasion des rencontres qui ont d'ores et déjà eu lieu, la Mission ne peut que confirmer l'impression qui prévaut dans les DOM en ce qui concerne la forte prégnance du sectarisme. Rares, en effet, sont les familles dont au moins un membre n'adhère pas à une secte ou n'en subit pas les méfaits. La convivialité traditionnelle de la société ultra-marine et le pluralisme traditionnel de sa composition, en atténuant souvent le caractère agressif du sectarisme tel qu'il s'observe dans les départements métropolitains, constituent un facteur supplémentaire de moindre résistance qui appelle à une vigilance accrue de la part de tous les élus locaux ainsi que des fonctionnaires des trois fonctions publiques.

Le prosélytisme sectaire en milieu éducatif et scolaire

          La Mission a constaté combien le domaine de l'éducation intéresse le sectarisme qui use à son égard d'une palette fort étendue de moyens et d'instruments.

          En dépit de la circulaire du 14 mai 1999 du ministre de l'éducation nationale sur le renforcement du contrôle de l'obligation scolaire, quelques enseignants ou cadres administratifs continuent à exciper d'une prétendue immunité convictionnelle pour s'abstraire régulièrement de leurs fonctions un jour par semaine[8]. Les rectorats, instruits de ces cas heureusement peu nombreux, devraient pouvoir régler ces difficultés qui se reportent fâcheusement sur l'emploi du temps des enseignants respectueux des normes de l'éducation nationale, sous le contrôle de la direction des affaires juridiques du ministère.

          Les mêmes principes doivent être rappelés aux parents d'élèves, en ce qui concerne la fréquentation scolaire, dès lors qu'ils ont choisi d'inscrire leurs enfants dans un établissement public.

          S'agissant des établissements privés sans contrat et de l'enseignement délivré dans les familles, le vote de la loi du 18 décembre 1998 et la parution rapide des décrets d'application confèrent depuis la rentrée 1999-2000 aux services de l'éducation nationale des pouvoirs de contrôle étendus.

          Là encore, la vigilance des recteurs devrait permettre d'éviter tout dérapage.

          Plusieurs phénomènes particuliers ont été évoqués devant la MILS :

1)    Enfants échappant à l'obligation scolaire (petits groupes marginaux observés dans chacun des trois DFA).

2)    Tentative de conversion massive à une secte dans un milieu ethnique relativement fermé et problème posé par l'existence ou le projet d'ouverture d'une classe relevant de l'enseignement public. La MILS ne peut, à l'évidence, que recommander une formule de transport des élèves de telle sorte que ces derniers soient instruits dans un milieu ouvert et pluraliste, conformément à la vocation de l'enseignement public.

3)    Diffusion par un enseignant de documents sectaires dans un espace relevant d'un établissement scolaire public. A l'évidence, des sanctions ne pourraient qu'être prises, dès lors que l'infraction est vérifiée.

4)    Prosélytisme par les enfants eux-mêmes. Certaines sectes, qui inscrivent systématiquement les enfants dans les établissements publics les inciteraient à "témoigner" auprès de leurs condisciples.

5)    Cette attitude contrevient sans aucun doute aux principes de l'école républicaine. Toutefois, ces actes de prosélytisme étant le fait de mineurs, la Mission ne peut que suggérer un contact direct entre les enseignants eux-mêmes et les parents d'élèves afin que soit parfaitement éclairées les responsabilités des uns et des autres et que soit rappelé le caractère laïque de l'enseignement public.

L'information des professeurs

          La Mission a organisé, avec le concours des recteurs, des réunions de travail ouvertes aux enseignants et aux cadres administratifs de l'éducation nationale ainsi qu'à certains futurs professeurs des écoles en formation dans les IUFM. Ces réunions ont connu un grand succès d'affluence en Guyane et en Guadeloupe (plus de deux cents participants actifs). En raison d'une invitation moins large, seule une trentaine de participants ont été réunis en Martinique. Toutefois, le recteur, qui a assisté comme ses collègues à la conférence a souhaité que la Mission s'exprime dans un prochain numéro d'une revue pédagogique afin d'étendre l'information à l'ensemble des personnels concernés. La Mission répondra à cette invite lorsqu'elle en sera saisie.

          Chacune des conférences a fait l'objet d'un suivi médiatique par la presse, les radios et les télévisions.

          Il semble désormais que la situation qui prévaut dans les DFA est mieux connue de l'intérieur et mieux prise en considération par les pouvoirs publics. Il restera à entretenir cette vigilance. La présence d'une personnalité venant de l'Outre-Mer au sein du Conseil d'Orientation de la Mission lui est, à cet égard, particulièrement précieuse.

          Le ministère de l'éducation nationale, en ce qui le concerne, a envoyé une mission en Guyane, consécutivement au rapport de la Mission de 1999. Des initiatives analogues ont été prises ou sont sur le point de l'être par d'autres départements ministériels.

          Sur place, les réactions apparentes des sectes ont été peu nombreuses pendant les missions de la MILS (distribution de quelques tracts obsolètes à Fort-de-France, visites habituelles de quelques adeptes de sectes venus à la fin des réunions publiques récuser comme à l'accoutumée cette appellation pour eux-mêmes et dénoncer d'autres mouvements comme réellement sectaires).

          La Mission a souhaité connaître l'avis du Conseil d'Orientation sur la question de savoir si, compte-tenu de la modicité de ses moyens mais aussi du développement du sectarisme dans les TOM et à Mayotte, il pourrait être envisagé d'y étendre ses investigations. Le Conseil d'Orientation s'étant prononcé favorablement, la Mission en retient le principe pour l'année 2001.

          Au Sénat et à l'assemblée nationale

La loi About-Picard

          Récuser toute législation spécifique mais favoriser l’adaptation de nos lois et règlements aux nouveaux défis du sectarisme et prévenir les difficultés ultérieures en veillant à ce que les textes à venir n’ouvrent pas d'imprévus boulevards au développement du prosélytisme sectaire : tels étaient  les principes d’action de la Mission affirmés dans son premier rapport. Ils continuent de la guider dans ses relations avec le législateur dont elle accompagne avec attention les travaux.

La proposition de loi About-Picard

Le consensus politique a continué de prévaloir dans les assemblées parlementaires lorsqu’il s'est agi de légiférer. Après le vote au Conseil de l’Europe le 22 juin 1999 de recommandations préconisées par le rapport de M. Adrian Nastase, parlementaire (Roumanie), sur « les activités illégales des sectes », l'Assemblée nationale et le Sénat français se sont prononcés à l’unanimité, en première lecture, sur des propositions de loi destinées à  renforcer la prévention et la répression à l’encontre de groupements sectaires en complétant le dispositif légal existant.

1) La proposition de loi du sénateur M. Nicolas About (D.L.) « tendant à renforcer le dispositif pénal à l’encontre des associations ou groupements constituant par leurs agissements délictueux un trouble à l’ordre public ou un péril majeur pour la personne humaine » a été adoptée le 16 décembre 1999.

Elle s’appuyait sur le décret-loi du 10 janvier 1936 qui permet la dissolution des groupes de combat et des milices privées. Elle élargissait le champ des infractions entraînant la responsabilité des personnes morales et aggravait les peines encourues en cas de reconstitution d’une association dissoute.

2) La proposition de loi tendant à renforcer la prévention et la répression à l’encontre des groupements à caractère sectaire, soumise au vote de l’Assemblée nationale en première lecture par la présidente du groupe d’étude sur les sectes, Mme Catherine Picard (P.S.), synthèse de plusieurs propositions émanant de personnalités de divers courants politiques -notamment de MM. Pierre Albertini (UDF), Jean-Pierre Brard (app.PC), Eric Doligé (RPR) et Jean Tibéri (RPR) - reprend l'esprit de la proposition de loi About sans se référer toutefois au décret-loi de 1936.

          Elle tend à faciliter la dissolution, par l'autorité judiciaire seule, de groupements définitivement condamnés par la Justice à plusieurs reprises, tout en élargissant le champ des infractions entraînant la responsabilité de la personne morale pour mieux l’adapter aux nouvelles réalités du sectarisme : exercice illégal de la médecine et de la pharmacie, publicité mensongère, fraudes ou falsifications prévues et punies par le Code de la consommation, mises en péril de mineurs, atteintes aux biens, atteintes à l’intégrité physique ou psychique de la personne, atteintes à la liberté et à la vie.

          La proposition de loi comporte également des dispositions quant à la limitation de l’installation de groupements sectaires à proximité d’établissements sensibles (hôpitaux, écoles, maisons de retraite, centres sociaux) et à la publicité de ces organisations dans les publications destinées à la jeunesse.

          Enfin, il est instauré un délit de manipulation mentale ainsi défini : « activités ayant pour but ou effet de créer ou d’exploiter la dépendance psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités et portant atteinte aux droits de l’Homme ou aux libertés fondamentales, d’exercer sur une personne des pressions graves et réitérées afin de créer ou d’exploiter un tel état de dépendance et de la conduire, contre son gré ou non, à un acte ou à une abstention qui lui est gravement préjudiciable ».

          Il n'a pas paru inutile à la Mission, alors que de nombreux colloques orientés dans un sens favorable au sectarisme tentent de mobiliser l'opinion publique, de rappeler le droit qui prévaut en France en matière de dissolution et de marquer en quoi il ne suffit pas à répondre aujourd'hui aux défis nouveaux.

          Les articles 3 et 7 de la loi de 1901 disposent en effet que :

Art. 3 : Toute association fondée sur une cause ou en vue d’un objet illicite, contraire aux lois, aux bonnes mœurs, ou qui aurait pour but de porter atteinte à l’intégrité du territoire  national et à la forme républicaine du gouvernement, est nulle et de nul effet.

Art.7 : En cas de nullité prévue par l’article 3, la dissolution de l’association est prononcée par le tribunal de grande instance, soit à la requête de tout intéressé, soit à la diligence du ministère public. Celui-ci peut assigner à jour fixe et le tribunal, sous les sanctions prévues à l’article 8, ordonner  par  provision et nonobstant toute voie de recours, la fermeture des locaux et l’interdiction de toute réunion des membres de l’association. En cas d’infraction aux dispositions de l’article 5, la dissolution peut être prononcée à la requête de tout intéressé ou du ministère public.

          Les dispositions de l'article 3, par leur imprécision, se sont révélées largement inopérantes. En 1936, devant les menaces des ligues fascisantes, un décret-loi a créé la possibilité pour l'autorité gouvernementale de dissoudre (en conseil des ministres) des mouvements menaçant les institutions de la République. Cette dissolution, dite administrative, est susceptible d'appel devant le Conseil d'Etat. Elle ne peut guère être utilisée contre les sectes, sauf dans le cas où certaines d'entre elles entretiendraient des forces armées[9].

          C'est pourquoi la Mission, à la majorité de son Conseil d'Orientation, a nettement marqué sa préférence pour un recours à l'autorité judiciaire afin que soient mises hors d'état de nuire des personnes morales portant atteinte aux droits de l'Homme et à l'équilibre social [10]. Cette position a été, paradoxalement, critiquée par une personnalité religieuse apparemment mal instruite des aspects délicats du droit associatif.

          Par ailleurs, la proposition de loi About-Picard introduit dans le droit français une infraction nouvelle, celle de manipulation mentale, définie comme il suit :

"Le fait, au sein d'un groupement qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer ou d'exploiter la dépendance psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités, d'exercer sur l'une d'entre elles des pressions graves et réitérées ou d'utiliser des techniques propres à altérer son jugement afin de la conduire, contre son gré ou non, à un acte ou à une abstention qui lui est gravement préjudiciable, est puni de trois ans d'emprisonnement et de 300.000 F. d'amende."

          Cet article a suscité de nombreux commentaires, bien qu'il n'ait pas un caractère de nouveauté.

          L'article 31 de la loi de 1905, réprime depuis un siècle les pressions abusives exercées sur un tiers pour l'amener à changer ses convictions.

"Sont punis de la peine d’amende prévue pour les contraventions de la 5ème classe et d’un emprisonnement de six jours à deux mois ou de l’une de ces deux peines seulement ceux qui, soit par voies de fait, violences ou menaces contre un individu, soit en lui faisant craindre de perdre son emploi ou d’exposer à un dommage sa personne, sa famille ou sa fortune, l’auront déterminé à exercer ou à s’abstenir d’exercer un culte, à faire partie ou à cesser de faire partie d’une association cultuelle, à contribuer ou à s’abstenir de contribuer aux frais d’un culte."

          Ces dispositions remarquables par leur concision et leur caractère "alternatif" ne concernent cependant que la manipulation mentale exercée dans les limites du religieux. Or, les sectes contemporaines ne limitent pas leurs activités à la sphère religieuse (certaines, même, exercent un prosélytisme athée).

          Il existe, plus récents que ces dispositions séculaires, deux articles du Code pénal de 1994 qui répriment à peu près les mêmes infractions mais en les limitant au cas des personnes "en état de faiblesse". L'un sanctionne les personnes physiques (313-4), l'autre les personnes morales (313-9). Or, les pressions mentales exercées par les groupements sectaires ne se pratiquent pas la plupart du temps à l'encontre de personnes en état de faiblesse. Le processus d'emprise commence le plus souvent à partir d'une acceptation de type implicitement contractuel, consentie par une personne saine d'esprit. L'asservissement du nouvel adepte ne sera perceptible qu'au cours d'une période plus ou moins longue de captation. La Mission a recueilli un grand nombre de témoignages qui confirment cette démarche, lieu commun du prosélytisme de toutes les sectes (et, de ce point de vue, marquant la différence avec les mouvements confessionnels ou philosophiques qui respectent la liberté d'autrui).

          Il paraît donc indispensable d'améliorer les dispositions pénales pour tenir compte de cette réalité jusqu'alors peu appréhendée.

          Tel qu'il a été défini plus haut, le délit de manipulation mentale a été adopté en première lecture à l'Assemblée nationale. Soucieuse de garantir les libertés fondamentales et la conformité de cet aspect de la proposition de loi avec les dispositions de la Convention européenne des Droits de l'Homme, le Garde des Sceaux a souhaité, le 24 juillet 2000, qu'avant la seconde lecture devant le Parlement, la Commission  nationale consultative des Droits de l'Homme soit saisie. Cette dernière a rendu son avis le 21 septembre [11].

          Elle confirme le caractère non liberticide de la loi en constatant que «la simple appartenance à un groupement qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer ou d’exploiter la dépendance psychologique et physique des personnes qui participent à ces activités  n’est pas punie par l’article 9 de la proposition de loi, ce qui respecte la liberté fondamentale de pensée, de conscience et de religion ».

          Elle estime en revanche que « la création d’un délit spécifique de manipulation mentale ne (lui) paraît pas opportune » dès lors qu'un amendement à l’article 313-4 est possible, article qu’elle suggère de déplacer dans le Code pénal « pour ne pas concerner uniquement les actes préjudiciables concernant les biens ».

          La Mission prend acte de cet important avis, soulignant qu'il concerne aussi, implicitement, l'article 313-9, parallèle au 313-4. L'examen de la proposition de loi inscrite en principe à l'ordre du jour du Sénat et de l'Assemblée nationale au premier trimestre 2001, concernera nécessairement les problèmes posés par la mise en état de dépendance de personnes entrées "en secte" sans être en état de faiblesse et qui ont découvert, après leur adhésion, la réalité de la stratégie d'emprise dont elles ont été victimes.

Les propositions de loi relatives au titre de psychothérapeute

          Dès son rapport de 1999, la Mission avait souligné avec regret l’absence d’encadrement des activités de psychothérapeute. Ce vide juridique et réglementaire ne pouvait manquer d'attirer l'attention de nombreux mouvements sectaires intéressés à la fois par une manne financière probable et une facilité accrue d'emprise sur les individus.

          Deux propositions de loi ont été déposées à l’Assemblée nationale au cours de l’année 2000, destinées à réglementer les conditions d’exercice de l'activité de psychothérapeute.

- l’une, le 28 mars de M. Jean-Michel Marchand (Verts), relative à l’exercice de la profession de psychothérapeute, à l’attribution et à l’usage du titre ;

- l’autre, le 26 avril, de M. Bernard Accoyer (RPR), relative à la prescription et à la conduite des psychothérapies.

Il n'est pas possible de préjuger la suite parlementaire de ces initiatives. Pour l'analyse du problème, voir le chapitre consacré à la régulation administrative et déontologique des activités de psychothérapeute.

 

Au-delà des conditions d’exercice des psychothérapeutes, la Mission a attiré l’attention des parlementaires sur d’autres questions qui pourraient faire l’objet d'examens approfondis : la démocratisation de la gestion associative ; la réglementation de la profession de formateur et les conditions de remboursement des frais de certaines propagandes électorales.

la loyauté dans le contrat

          L'analyse des risques découlant de comportements exercés ou d'actes accomplis par les organismes à caractéristiques sectaires ou par leurs membres révèle un grand nombre de traits communs à la plupart des situations rencontrées en matière de mise en relation et de confirmation de la relation initiale entre l'organisme et la personne "ciblée".

          Cette observation vaut tout autant pour le risque encouru par une "personne physique" que pour celui qui concerne une "personne morale". La remarque a son importance lorsque l'on observe le phénomène de la mise en relation et ses prolongements induits.

          En réponse aux besoins de décodage des rapports établis et entendus entre organisme à caractéristiques sectaires et personne cible, il paraît désormais possible de définir deux grilles d'analyse parallèles. L'une et l'autre sont de nature à faciliter la détermination des domaines à surveiller et des mesures à prendre en rapport avec le risque estimé.

          Le but final est la caractérisation du type de "relation contractuelle" établi et la description de l'évolution et des mutations que cette relation implique.

          Il convient d'entendre par organisation à caractéristiques sectaires une ou plusieurs entités concourrant ensemble ou séparément à atteindre un objectif centré sur une personne ciblée.

          Cette relation de type contractuel va connaître trois étapes :

          1 - l'étape d'attirance - séduction

          2 - l'étape d'accoutumance-intégration

          3 - l'étape de dépendance-coercition

          Pour la personne physique, le schéma de déroulement des étapes successives peut être décrit de la manière suivante :

          La phase d'"attirance-séduction" se met en place en prenant appui sur un besoin de réponses à des questionnements plus ou moins étendus de personnes en manque de repères, aspirant à un autre mode de vie ou cherchant une sortie à une impasse temporaire, au plan personnel, professionnel ou social.

          Les "réponses" apportées par l'organisme sont de fournir du "prêt à penser" ou du "prêt à agir".

          L'objet de cette première mise en contact est d'apporter d'abord un sentiment de sécurité, d'instaurer un climat de confiance et de susciter une impression apparente de maîtrise du destin personnel.

          Les formes de liens initiales s'apparentent ainsi réellement à un contrat, un accord, une entente car la personne sollicitée ou solliciteuse est généralement saine d'esprit et non en état de faiblesse. Le lien est bien souvent formalisé par un achat de produit ou de service, ou un premier engagement à accomplir un travail ou une action au nom de l'organisme apparaissant sous l'aspect d'une entité juridique assurant la fourniture d'une prestation, d'un bien ou garantissant un bénéfice hypothétique ultérieur.

          Du point de vue de la personne morale, la phase d'"attirance-séduction" peut se dérouler notamment dans le cadre de préoccupations partagées au sein de l'entreprise ou de l'institution par les dirigeants cadres et salariés autour de la notion de "quête de sens" voire dans le cadre de réflexions sur la "spiritualité en entreprise" ou encore au travers d'approches d'apparence novatrice des notions de développement personnel et d'acquisition de compétences managériales.

          L'intervention des prestataires de service, d'animateurs, d'experts extérieurs permet la plupart du temps la mise en œuvre de cette étape.

          La deuxième phase, consistant en une "accoutumance-intégration" vise à confirmer et à consolider le lien établi par un changement d'attitude, d'abord imperceptible, délibérément programmé par l'organisme à caractère sectaire grâce à des techniques de communication sophistiquées ayant pour effet de rendre indispensables de la part de la personne physique ou morale cible, la participation à des formations d'exigence croissante, un engagement personnel ou collectif plus important, une acceptation d'un plan d'évolution contraignant. L'éloignement progressif des repères privés et sociaux antérieurs constitue un signe révélateur, quoique déjà tardif, de l'emprise du mouvement sectaire sur la personne physique. Au plan des personnes morales, la mise en dépendance du groupe visé, entreprise ou institution, commence à paraître au regard de ses partenaires, clients ou usagers. L'objet social de l'entreprise ou la finalité de l'institution sont peu à peu perdus de vue : la recherche de l'expansion économique est détournée peu à peu au bénéfice du mouvement sectaire dont l'incompétence ne peut que conduire à l'échec (faillite, liquidation judiciaire, etc…). S'agissant des institutions, des signes non équivoques commencent à paraître. Certains de ses salariés acceptent de faire passer les injonctions du groupe auquel ils adhèrent avant le cahier des charges de leur emploi : dossiers perdus, correspondances restées sans réponse, tous faits justifiés par une argumentation banale : excès de travail, complexité de la tâche, etc…

          L'étape de mise en situation de "dépendance-coercition" parachève la stratégie de l'organisme.

          Cette progression dans les étapes fait très fréquemment l'objet de contrats, d'accords successifs.

          Or, l'observation des nombreux cas concrets examinés par la Mission le montre. Le contrat passé implique au départ un consentement soit explicite, soit implicite. L'important est donc d'apprécier les conditions dans lesquelles l'organisme sectaire va influencer les consentements successifs en fondant son action sur une progression maîtrisée par lui de la dépendance de la cible.

          Cette progression de la dépendance, maîtrisée par un seul des co-contractants, crée un déséquilibre croissant au fur et à mesure que se construit la chaîne continue des contrats.

          Ce schéma s'entend dans de multiples domaines d'action dont la liste ci-dessous est nécessairement non exclusive :

- octroi de prêts pour la réalisation d'objectifs à caractéristiques "sectaires" correspondant à l'orientation du prêteur

- accomplissement de séances de soins thérapeutiques ou suivi médical de longue durée, développement de formations ou assimilés, sans validation scientifique

- progression professionnelle et sociale dans une pyramide commerciale

- création et développement de structures ou d'activités à caractère "social" et "solidaire" sans agrément officiel de reconnaissance ou de validité

- implantation dans une entreprise de méthodes nouvelles de management ou de gestion dont le caractère novateur justifierait l'ignorance dont elles sont l'objet de la part des organes publics et privés de régulation

- constitution, parfois, de lieux d'expression culturelle et artistique.

          Du premier contrat passé librement aux "accords" ultérieurs conclus entre "partenaires" deux facteurs principaux caractérisent l'évolution de la relation contractuelle au seul bénéfice de l'organisme à caractéristiques sectaires :

          - un accroissement des exigences d'exécution du contrat s'imposant à la personne en position d'acquéreur de biens, de services ou en attente de bénéfices découlant des termes de ce contrat

          - une augmentation de la dépendance psychologique matérielle et financière

         

          Ce processus manipulatoire qui se déroule dans le temps peut être défini comme un mécanisme d'exploitation progressive d'une situation personnelle d'ignorance des termes d'un contrat passé entre un organisme et une personne, ayant pour but ou pour effet de réduire la liberté d'appréciation ou de décision de cette dernière à partir de la mise en œuvre d'un contrat initial prolongé par un renouvellement ou une extension ultérieure de celui-ci.

          Ce processus s'inscrit en opposition aux principes d'autonomie de la volonté et de loyauté des clauses contenues dans les contrats établis.

FORMATION PROFESSIONNELLE: D'UTILES AVANCÉES

          Le Ministère de l’emploi et de la solidarité est l’un des plus concernés par la lutte contre les sectes. Sa compétence variée touche en effet à des domaines particulièrement perméables à ces phénomènes :

-        la formation professionnelle,

-        l’action sociale,

-        la santé, et notamment la santé mentale.

          Sur les questions relatives à la formation professionnelle qui constituait (cf. rapport 1999) l’un des « gisements » privilégiés d’influence et de ressources des organisations à caractère sectaire, des efforts considérables ont été entrepris au cours de l'année 2000, à l’initiative des administrations et services concernés du ministère et, en tout premier lieu, de la Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle.

          Une circulaire relative aux pratiques sectaires dans le domaine de la formation professionnelle a été très largement diffusée.

          Elle incite les directions départementales et régionales de l’emploi, du travail et de la formation professionnelle et notamment les services régionaux de contrôle de la formation à "être particulièrement vigilants lorsqu’ils ont à connaître du fonctionnement des organismes de formation et de rechercher tous comportements et modes de gestion susceptibles de constituer des indices de pratiques illégales".

          Il leur appartient de vérifier que les objectifs affichés sont conformes à ceux voulus par le législateur et que les types d’action de formation proposés entrent expressément dans le champ d’application des dispositions de l’article L 900-2 du Code de travail.

          Les directions départementales sont particulièrement appelées à exercer leur vigilance sur les stages de développement personnel qui sont très souvent un moyen privilégié de pénétration du milieu de la formation par les organismes sectaires et ne sont pas susceptibles d’être considérés comme relevant du champ de la formation professionnelle.

          En cas d’indices sérieux ou de preuves indiscutables de l’influence sectaire, les sanctions prévues par le droit de la formation professionnelle ou le droit commun doivent être mises en œuvre :

-        refus d’enregistrement de la déclaration d’existence

-        retrait de la déclaration préalable

-        rejet de l’imputabilité de la dépense et reversement au Trésor Public

-        transmission des éléments d’information au procureur de la République territorialement compétent en cas de découvertes de comportements répréhensibles susceptibles d’être pénalement sanctionnés.

          Complémentairement à la circulaire de la Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle, la ministre de l'Emploi et de la Solidarité a diffusé une importante circulaire consacrée aux dérives sectaires[12].

          Cette circulaire détermine l'action administrative. Elle en présente les trois volets : prévention, coercition, réparation. Elle concerne l'ensemble du ministère, tant en matière de travail, d'emploi et de formation professionnelle qu'en matière sanitaire et sociale.

          Elle demande aux services :

          - d'exercer un contrôle, dans le respect des règles de droit commun, face à certains modes de fonctionnement qui prétendent s'affranchir du droit et apparaissent préjudiciables à l'ordre public.

          - d'exercer une action préventive, par une vigilance accrue dans les procédures d'agrément ou d'autorisation.

          Une attention particulière doit être portée au comportement des organismes de formation, notamment en ce qui concerne les publics "fragilisés", insérés ou non dans le monde du travail (publics en situation d'illettrisme, publics sans qualification, demandeurs d'emploi, handicapés, bénéficiaires du RMI, etc…). Un suivi des actions de développement personnel ou de remobilisation (qui constituent souvent un moyen privilégié pour les mouvements sectaires de pénétrer le milieu de la formation) est désormais considéré comme indispensable.

          En cas de doute sur la conformité des actions de formation de tel ou tel organisme avec les finalités qui lui sont assignées et les principes déontologiques qui s'imposent à tout organisme de ce type, les services sont invités à la plus grande circonspection.

La qualité : un rempart contre les sectes

          La Mission mise sur une mobilisation des professionnels de la formation et sur un développement significatif des actions visant au renforcement de la qualité (normes, labels, certification, qualification). C'est, à ses yeux, l'un des meilleurs moyens de lutter contre l'influence des sectes.

          Des efforts significatifs ont été entrepris par les différentes instances concernées.

          L'offre de formation a fait l'objet ces dernières années de nombreuses publications exprimant les regards croisés des différents acteurs du système de formation professionnelle et des responsables politiques et administratifs.

          Ces publications mettent en lumière au-delà des analyses critiques de grands dysfonctionnements.

          L'incapacité des acteurs du système de formation professionnelle à parvenir à trouver un équilibre entre l' absence quasi totale de réglementation (la simple déclaration d'existence dont les effets pervers sont assez unanimement reconnus) et des tentatives, probablement trop ambitieuses compte-tenu des moyens qui auraient été nécessaires, pour organiser l'accès au marché (procédures d'habilitation et d'agrément).

          Il en résulte une difficulté pour les grands commanditaires de formation -services de l'Etat, conseils régionaux, branches, voire grandes entreprises et organismes collecteurs paritaires- d'avoir une vision précise de l'appareil de formation et notamment des segments de l'offre de formation qui les concernent directement. Cette difficulté est d'autant plus grande que le marché ne cesse de s'atomiser et de s'opacifier avec la croissance non maîtrisée des "dispenseurs de formation".

          Tous les commanditaires, face à cette difficulté, ont essayé de mettre en place des procédures d'évaluation qu'il s'agisse de l'Etat (habilitation et agrément des organismes de formation), des conseils régionaux ("démarches qualité"), des grandes entreprises ou organismes collecteurs paritaires (procédures d'achat, référencement ou homologation des fournisseurs). L'existence de cette difficulté est reconnue pour partie par la profession (mise en place de l'Office professionnel de qualification des organismes de formation -OPQF) mais la tendance générale reste le renvoi de ce problème au marché censé être lui-même éclairé par les "démarches qualité" institutionnelles (certification ISO 9000, marque NF, etc…).

          Un des volets du processus de réforme du système de formation professionnelle engagé par la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle doit apporter une réponse à ces dysfonctionnements. En effet, il paraît indispensable de rétablir l'image positive de ce secteur, gage de son efficacité, et de donner aux organismes de formation et aux personnes qui y travaillent les moyens de faire face aux défis de la modernisation du système.

          Une table ronde a été organisée par la secrétaire d'Etat à partir de trois questions :

- comment les procédures d'identification des organismes peuvent-elles contribuer à restaurer une bonne image du secteur de la formation ?

- comment concilier dans la réglementation la dimension économique du secteur de la formation et la nécessaire protection des utilisateurs ?

- comment les pouvoirs publics peuvent-ils accompagner les efforts de la profession pour se doter de signes de qualité et de professionnalisme ?

          Les groupes de travail chargés de formuler les propositions concrètes qui viendront nourrir la démarche de réforme engagée ont remis leurs conclusions le 12 octobre 2000.

          Qu'il s'agisse :

- d'identifier les "entreprises de formation" en les distinguant des dispensateurs individuels ne disposant pas d'une structure d'appui.

- de maintenir la déclaration préalable généralisée à toutes les formes d'offre.

- de renforcer les moyens de contrôle de l'Etat.

- de promouvoir les instruments de reconnaissance du professionnalisme des offreurs.

- de renforcer les conventions de formation professionnelle.

- de promouvoir les engagements qualité dans les achats de l'Etat et des régions.

- de faciliter et encadrer le rôle des Organismes paritaires collecteurs agréés (O.P.C.A.).

toutes les propositions tendent à aller vers un contrôle social de la qualité globale du processus de formation.

          Le contrôle par les pouvoirs publics de la participation des employeurs est aujourd'hui largement inopérant sans que des relais soient effectivement assurés. On sait que l'inscription de la formation dans la stratégie de développement de l'entreprise est bien souvent pour l'organisation et ses salariés, un gage de la pertinence des plans de formation comme de la qualité des formations elles-mêmes. Aussi est-il indispensable de bâtir une politique de formation assurant la convergence sinon la cohérence des besoins des individus et de ceux de l'entreprise.

          Trente ans après les négociations préalables à la loi de 1971, les pouvoirs publics devraient aujourd'hui prendre les initiatives nécessaires pour que les légitimes représentations plurielles des partenaires sociaux sur la qualité de la formation concourent aussi à son développement. Cette demande novatrice devrait permettre que, dans un avenir aussi proche que possible, la Mission ne soit plus saisie des plaintes formulées par des salariés choqués des conditions dans lesquelles ils ont été conduits à suivre de soi-disant stages de formation dirigés, ouvertement ou clandestinement, par des organismes sectaires.

UNE COLLABORATION EXEMPLAIRE

          La Fédération des chambres syndicales de formateurs consultants (FCSFC) avait manifesté son intention d'établir des relations de travail avec la MILS pouvant aller jusqu'à la conclusion d'un partenariat.

          Il convient de rappeler que ladite fédération a mis en place, fin 1998, un titre de formateur consultant inscrit au registre professionnel, dans le but d'assurer une meilleure reconnaissance de la profession sur le marché de la formation.

          Ce titre s'adresse aux personnes physiques, professionnelles de la formation continue, qui allient les deux fonctions de formateur et de consultant. Ces personnes doivent justifier des compétences nécessaires pour analyser une demande de formation et la problématique exposée par le demandeur, concevoir le projet formatif, réaliser le face à face pédagogique ou en contrôler la mise en œuvre, évaluer l'action et en assurer le suivi.

          Elles doivent, en outre, attester d'une expérience reconnue d'au moins cinq années pleines, ou de deux ans si elles possèdent un diplôme de niveau III de formation de formateur, ou encore d'une certification ICPF (Institut de certification des professionnels de la formation), niveau "qualifié" ou "expert". Elles ont en outre à s'engager au respect d'un code de déontologie.

          La Fédération des chambres syndicales de formateurs consultants (FCSFC) assure la tenue du registre professionnel des formateurs consultants. Une liste des formateurs consultants inscrits au registre professionnel sera publiée à l'usage des acheteurs.

          Afin de faciliter la lisibilité des compétences des formateurs la fédération des chambres syndicales de formateurs consultants a également favorisé la mise en place d'un institut de certification des professionnels de la formation (ICPF) indépendant. Celui-ci délivre aux professionnels (personnes physiques) qui en font la demande une certification, après examen du dossier et des entretiens réalisés par des auditeurs qualifiés.

          Le certificat est attribué, à titre individuel, à toute personne exerçant une activité entrant dans le champ de la formation professionnelle, quel que soit son statut. Trois niveaux sont proposés : agréé pour les débutants, qualifié pour les professionnels exerçant depuis cinq ans, expert pour ceux ayant une pratique d'au moins dix ans. Neuf fonctions différentes sont distinguées, applicables aux divers domaines de formation retenus par le Formacode [13]:

-        animateur de formation

-        auditeur de formation

-        concepteur de formation

-        conseiller en formation

-        formateur

-        ingénieur en formation

-        prestataire de bilans de compétences

-        tuteur

-        entraîneur (coach)

          La certification, contrôlée tous les trois ans, est obtenue pour toute la durée de l'activité.

          Avant de parvenir à un partenariat associant tous les partenaires intervenant sur le champ de la formation professionnelle continue, la MILS a conduit à titre expérimental avec la FCSFC de fructueuses réunions de travail qui se sont déroulées tout au long de l'année 2000.


          Les thèmes évoqués se situaient au cœur de la problématique touchant au renforcement de la qualité et plus précisément :

-        le titre,

-        le cahier des charges,

-        éthique et déontologie.


Accélérer la mise en place d'une régulation administrative et déontologique des activités de psychothérapeute

          Il y aurait quinze mille psychothérapeutes en France et ce chiffre pourrait doubler dans les dix années à venir. On estime à plusieurs centaines les différentes techniques de psychothérapie, qui peuvent s'effectuer soit individuellement, soit collectivement, en famille, ou en groupe. Des néo-formations thérapeutiques (surnommées théo-thérapies), généralement d'inspiration religieuse, se multiplient aujourd'hui à un rythme effréné.

          Le foisonnement de cette discipline a son revers de médaille. Il n'existe aucun statut régissant ce métier en vogue, aucune habilitation particulière à le pratiquer. N'importe qui peut s'improviser psychothérapeute sans se mettre en infraction. Médecins, psychiatres, psychologues et non diplômés cohabitent, ayant normalement pour point commun d'avoir effectué un travail de psychothérapie personnelle, équivalent à une initiation qui leur permet d'être reconnus par leurs pairs. Certains n'ont qu'un savoir théorique ou universitaire, considéré comme insuffisant à la pratique de la psychothérapie. D'autres pratiquent sans aucune formation spécifique, sur le seul critère de leur propre travail sur eux-mêmes. D'autres encore n'ont ni connaissance théorique, ni expérience pratique.

          Rien n'étant obligatoire, les charlatans peuvent pratiquer sans contrainte. Beaucoup de témoignages informent sur les abus de professionnels fantaisistes qui ont conduit leurs patients dans des situations de détresse. Le public ne sait rien ni du praticien ni de ce qu'il lui vend. Aussi découvre-t-on aujourd'hui des cas « d'errance thérapeutiques », c'est-à-dire de patients en mal de guérison qui passent d'un psychothérapeute à un autre, espérant toujours trouver la « perle rare » qui les libérera de leurs angoisses et les conduira à l'épanouissement personnel.

          Le problème, en soi, pourrait ne pas concerner la Mission. Cependant, des faits ont attiré son attention : parmi les innombrables courants de psychothérapie, et plus particulièrement dans les néo-formations, certaines pratiques sont structurellement comparables à celles dénoncées dans les groupes à dérive sectaire. Certaines dérives déontologiques mènent à la dépendance du patient, à une influence prépondérante du psychothérapeute, à une rupture avec la famille, le conjoint ou les amis, et proposent une nouvelle vision du monde au risque de désocialiser le patient. La Mission partage donc avec l'essentiel du milieu psychothérapeutique le souci de mettre au point des garde-fous.

          Les nouvelles thérapies et la spiritualité New‑Age, toutes deux développées dans les années 70, se sont mélangées et ont donné naissance à un courant de psychothérapie dans lequel le Syndicat National des Praticiens en Psychothérapie (SNPPsy) reconnaît qu'il arrive que soient mobilisés "les sentiments de lien et de manque inhérents à la nature humaine pour resserrer des adeptes autour d'un gourou dans un groupe plus ou moins fermé, plus ou moins secret qui fait office de famille marginale ou de matrice maternelle" (Yves Lefebvre). Ce type d'enfermement est loin de favoriser le libre-arbitre et l'autonomie des individus au coeur de la mission d'une psychothérapie. Elle revient à profiter du besoin du thérapisant à idéaliser son thérapeute et représente en cela un exemple de dérive sectaire thérapeutique. Il faut cependant attirer l'attention sur l'existence d'effets négatifs dans environ 10% des thérapies. Ces effets apparaissent chez des patients ayant différents diagnostics, traités avec des psychothérapies d'orientations théoriques différentes, appliquées selon des modalités distinctes. Ces effets ne doivent nullement être confondus avec ceux engendrés par une mauvaise pratique de la psychothérapie.

          Plusieurs éléments expliquent pourquoi la psychothérapie peut connaître en son sein des dérives de type sectaire. A écouter d'anciens patients, on constate qu'elle touche un public qui a soif de se transformer, de s'améliorer, de ne plus souffrir et qui se place dans ce but sous le pouvoir imaginaire du thérapeute, comparable alors à une sorte de magicien. Pendant le traitement, les relations parentales sont abordées et remises en cause. Le patient vit des moments de souffrance qu'il parvient à dédramatiser grâce à la chaleur, l'écoute, le contact avec les autres, lorsqu'il s'agit d'une thérapie de groupe, et, en tout cas, grâce au soutien, à la présence, à l'écoute du psychothérapeute. Point d'ombre : l'argent, parfois considéré comme un frein à l'enthousiasme thérapeutique et vécu comme « une pression manipulatrice ». Quand la thérapie a réussi, on regrette cependant rarement d'avoir investi pour sa personne.

          Même public touché, mêmes attentes, mêmes relations au groupe, mêmes moments de souffrance que dans l'engagement sectaire. Seuls les résultats peuvent être diamétralement opposés : la thérapie réussie amène le patient à se sentir sujet, lui apporte confiance et autonomie. Son but est d'aider celui qui y fait appel à trouver sa place dans la société. La secte, au contraire utilise les désirs de bien‑être du néophyte, la remise en cause de son entourage, ses phases de souffrance, l'attachement normalement provisoire au groupe et à son fondateur pour en faire un adepte dépendant. Le danger potentiel de la psychothérapie est que le praticien se grise d'être idéalisé par son patient et qu'il s'efforce alors de l'attacher à ce sentiment au lieu de ramener la relation à la réalité le moment venu. Ce type de danger est latent dans certaines nouvelles approches psychothérapeutiques qui visent au « mieux-être » d'individus ne souffrant pas par ailleurs de troubles psychologiques ni de désordres somatiques, et qui s'adressent donc à tout un chacun. Ces pratiques jouent la carte de l'immédiateté des résultats. Il n'est plus alors besoin d'un long retour sur les expériences traumatisantes du passé.

          Il arrive qu'elles développent la notion d'autoguérison. Par ailleurs, ancrées dans des courants spirituels, elles peuvent juger inutile la formation du thérapeute, la spiritualité pouvant se transmettre par d'autres biais. Il devient alors légitime de se demander ce qui autorise ce type de démarche à s'autoproclamer psychothérapeutique plutôt que spirituelle, et si le mélange des genres à ce point poussé n'induit pas en erreur le patient potentiel. Il s'agit donc de s'interroger sur les critères qui permettent effectivement à ces thérapies de s'intégrer légitimement dans le paysage de la psychothérapie, et de réfléchir sur les limites de cette intégration.

          Pour prévenir les dérives d'une profession qui a montré son utilité sociale de par le nombre imposant de patients qui font appel à ses services, un cadre légal de formation, des règles de jeu et une protection du titre s'imposent.

          La Mission se contente ici de reproduire les projets et propositions de loi faites par les psychothérapeutes qui lui semblent pouvoir jouer favorablement dans le sens de sa lutte. Bien que constituée de pratiques extrêmement variées qui participent à la richesse même de cette profession, il n'est cependant pas impossible d'y trouver des éléments fondateurs : connaissances théoriques, travail effectué sur soi‑même, instauration d'une relation spécifique, unique, basée sur le respect, entre le patient et le thérapeute, participent à la définition du psychothérapeute. Si certains estiment que la pratique légale de la psychothérapie ne saurait reposer exclusivement sur des diplômes universitaires, tous s'accordent sur l'importance d'une connaissance théorique en psychopathologie, connaissance qui pourrait être sanctionnée par un diplôme universitaire ou par celui d'une école reconnue officiellement pour la qualité de sa formation.

          La formation théorique pourrait partir de ce tronc commun, puis se poursuivre par une spécialisation dans l'une des nombreuses écoles de cette discipline. Pour être complète, elle ne pourrait se passer d'une initiation à la pratique psychothérapique, qui de l'avis de nombreux psychothérapeutes, signerait l'acceptation par les pairs d'un nouveau psychothérapeute.

          L'existence d'une formation, quels qu'en soient le continu et la forme retenus, serait un premier élément fondamental de prévention contre les abus de l'utilisation du titre de psychothérapeute, et participerait par conséquent à la protection du public.

          Le respect d'une éthique, d'une déontologie instituée par ce corps professionnel est un deuxième élément constitutif de la lutte contre les dérives. On constate en effet qu'aujourd'hui, très peu de psychothérapeutes sont affiliés à un syndicat qui, en l'absence de tout autre cadre structurant, est encore la seule instance régulatrice de la profession. Des plaintes promulguées parfois à l'encontre de certains membres syndiqués montrent cependant l'insuffisance de cette structure. Il n'en demeure pas moins que la majorité des psychothérapeutes - inscrits comme tels dans les annuaires professionnels notamment - exercent dans l'indépendance et la liberté la plus complète, sans pouvoir faire l'objet d'aucun contrôle.

          On pourrait imaginer la création d'une sorte d'ordre, ou de fédération des associations, suffisamment pluraliste pour que toutes les écoles s'y retrouvent et dont l'inscription impliquerait l'acceptation d'un code éthique. Le non respect des règles déontologiques y serait sanctionné par des avertissements, des blâmes, voire par l'exclusion. Cette instance pourrait trouver une partie de son inspiration dans le code de déontologie des psychologues, qui avait été initié pour des raisons similaires à celles qui alertent aujourd'hui le milieu de la psychothérapie. C'est-à-dire, en particulier, pour "sauvegarder les usagers et la société des abus et mésusages de la psychologie" et "définir les limites face aux demandes sociales, du fait même de la demande de résolution magique des problèmes personnels".

          Cette suggestion, faite par des psychothérapeutes eux-mêmes, est au moins aussi importante que la première dans l'optique de la lutte contre les sectes. Celles-ci en effet se développent d'autant plus dangereusement qu'aucune vigilance ne s'exerce sur elles dans ce domaine sensible. La meilleure prévention contre ce phénomène consisterait en la mise en place d'instances de contrôle qui auraient pour premier effet de repérer les psychothérapeutes individuels ou les groupes critiqués pour leur manquement déontologique. et de surveiller leurs pratiques.

          Il conviendrait enfin de garantir les droits du patient et, de définir une sorte de contrat dont l'acceptation mutuelle ouvrirait, le cas échéant, la possibilité de recours. Ce contrat pourrait préciser la nature du processus thérapeutique envisagé, sa durée approximative et son coût, global ou par séance. On sait en effet que les dérives les plus dangereuses se réalisent lorsqu'il n'existe aucun garde-fou.

ETUDE DE CAS

La "galaxie" anthroposophique[14]


AVANT-PROPOS

          Dans son premier rapport annuel, la Mission a choisi de distinguer, entre les mouvements déclarés sectaires par d'autres instances qu'elle-même, trois catégories de groupements :

- les sectes absolues, dont elle a proposé une définition. Ces mouvements militent, quelle que soit l'apparence religieuse, ésotérique ou philosophique dont ils se réclament, pour un ensemble de contre-valeurs incompatibles avec les principes de la démocratie et, s'agissant des personnes physiques, en opposition avec les droits de l'Homme tels qu'ils sont garantis par la Déclaration de 1789 et plusieurs traités internationaux.

- Les mouvements d'inspiration philosophique ou religieuse qui présentent certains caractères sectaires en contradiction avec les valeurs démocratiques et les droits de l'Homme, notamment en ce qui concerne l'enfance et le comportement social.

- Les groupements, anciens ou émergeants, dont l'observation par la voie de la recherche universitaire n'a pas été conduite et dont l'opinion, voire en certains cas les rapports d'enquête d'origine législative, énoncent le caractère sectaire, au moins à titre partiel.

          Le rapport de la Mission pour 1999 avait choisi d'étudier deux cas relevant de la première catégorie.

          Pour l'année 2000, un chapitre est ainsi consacré à l'étude d'un organisme ou, plutôt dans le cas présent, d'un ensemble d'organismes posant question au regard des compétences attribuées à la Mission interministérielle de lutte contre les sectes.

          Ces organismes disposant de statuts juridiques divers ont en commun de se référer dans leurs textes statutaires ou dans leur pratique à la pensée de Rudolf Steiner, polygraphe autrichien (1861-1925) et connue sous le nom d'anthroposophie.

          Pour réaliser cette étude et conduire une analyse autonome dans le cadre des prérogatives de puissance publique qui lui sont reconnues par le décret institutif du 7 octobre 1998, la Mission a défini une méthode de travail composée de cinq phases ;

1 - recueillir des éléments d'information provenant de sources distinctes tant publiques que privées.

2 - analyser les données recueillies et les confronter aux textes et documents établis ou écrits par les organismes observés.

3 - rencontrer les responsables de diverses associations rattachables au phénomène étudié afin d'informer les représentants de ces entités de l'intention de la Mission (étant indiqué que toutes les structures susceptibles d'être prises en compte ne peuvent être auditionnées) et leur offrir ainsi la possibilité de s'exprimer par elles-mêmes sur leurs finalités, objectifs et conception de l'action qu'elles et leurs membres conduisent.

4 - établir un compte-rendu de ces rencontres et le porter à la connaissance des associations afin qu'elles puissent faire part à la Mission de leurs commentaires.[15]

          5 - procéder à l'étude proprement dite du cas.

          Ce choix de méthode indique clairement que la Mission entend exercer son rôle et ses fonctions d'observation, d'analyse et d'orientation des actions de l'Etat sur son champ d'intervention en s'appuyant sur toutes les sources d'information disponibles. L'exercice est difficile. Celui qui vient d'être accompli cette année prouve qu'y compris avec des groupes avec lesquels il paraît possible de dialoguer en partageant le sens des mots, il peut apparaître qu'un même terme soit employé avec une acception différente selon qu'il est utilisé au sein de la structure ou dans le langage commun.

          Les entités juridiques, fondées à partir de la pensée anthroposophique qui manifestent une activité sur le territoire national sont nombreuses et variées. Il est cependant possible de classer celles-ci dans trois rubriques définies en fonction de leurs types d'activités économique, sociale ou culturelle :

- La production et la commercialisation de produits agricoles déclarés "naturels" (agriculture biologique, agriculture biodynamique, coopératives et boutiques de commercialisation…)

- L'économie "solidaire" : aide à des entreprises d'insertion et à la création d'entreprises d'intérêts divers.

- Le développement social au moyen du logement à vocation sociale, de l'enseignement, de la médecine, de la santé, des arts et de la culture.

          Il n'est guère de domaine dont l'anthroposophie se désintéresserait, au moins en intention. Cette démarche implique, quel que soit le degré d'autonomie des mouvements qui s'y réfèrent, une solidarité fonctionnelle qui en assure la cohésion mentale et en soutienne l'expansion.

          Faut-il parler de stratégie globale ? En tout cas, l'activité de type bancaire de la société financière "Nouvelle Economie Fraternelle", membre du "mouvement bancaire anthroposophique international", inscrit l'action des associations et entreprises se référant à l'anthroposophie dans le vaste ensemble de l'économie sociale et peut conduire ces entités à être en relation entre elles.

          L'étude de cas porte sur trois aspects de l'anthroposophie, observables en France :

- Anthroposophie et "développement social" : la pratique pédagogique au sein des écoles dites "Waldorf-Steiner",

- Anthroposophie et "développement social" : la médecine anthroposophique,

          - Une démarche bancaire, moteur d'une stratégie de développement.

          Elle se conclut par des appréciations de caractère général.

          L'anthroposophie n'a guère fait l'objet, du moins jusqu'à présent, de recherches académiques en France. Outre les représentants de plusieurs mouvements anthroposophiques, la Mission a cependant tenu à entendre le Dr Badewien, auteur de "Waldorfpädagogik-christliche Erziehung ?", Konstanzer theologische Reden 4, (1987) et de "Anthroposophie, eine kritische Darstellung", Konstanz, Friedrich Bahn, (1990). Elle n'a pas pu prendre connaissance de l'étude, probablement fort documentée, du Pr Paul Ariès dont la publication est annoncée dans le courant de l'année 2001.

         

ANTHROPOSOPHIE ET "DÉVELOPPEMENT SOCIAL", EXEMPLE DE LA PÉDAGOGIE MISE EN OEUVRE AU SEIN DES ÉCOLES WALDORF-STEINER EN FRANCE

          L’étude de la galaxie anthroposophique conduit à poser la difficile question des liens entre doctrines et attitudes sociales. Dans le cas de structures multiples, éparpillées, disposant de statuts juridiques divers, ayant des objets professionnels ou sociaux bien caractérisés, le seul lien apparent semble être la référence à un "penseur" disparu en 1925 après avoir répandu sa doctrine de façon non systématique, par d'innombrables écrits ou propos de conférence diffus et souvent répétitifs.

          A la lecture de cette abondante production, on ne peut que s'interroger, en particulier, sur certaines de ses allégations pouvant supposer la promotion d'idées élitistes ou pire, à travers de multiples propos sur le sang et la race, susceptibles d'être interprétées comme racistes[16]. Exposées publiquement aujourd'hui, ces opinions pourraient faire l'objet en France de procédures judiciaires, en vertu des articles 225.1 et suivants du Code pénal.

          Le problème est donc difficile. Où passe la frontière entre l'analyse de la doctrine et le jugement, par définition interdit, sur des éléments plus proches de la croyance que de la rationalité ? Peut-on auditionner les dirigeants actuels d'un mouvement stigmatisé par un rapport d'enquête parlementaire[17] sans aborder les textes de référence qui cimentent ces enseignements et les relient à l'ensemble des groupements qui se réclament de l'anthroposophie ?

          Pratiquement, peut-on exercer le contrôle d'établissements scolaires sans appréhender les référents pédagogiques et par là même, éthiques et doctrinaux, des établissements inspectés ? Peut-on s'arrêter à l'affirmation de l’application d’une pédagogie particulière, sans s’interroger plus loin sur le contenu et le sens des termes employés, à la fois dans l'acception commune de notre société et dans le langage interne du mouvement ?

 Doctrine et conceptions pédagogiques

          La biographie de Rudolph Steiner montre à quel point il fut un polygraphe, ce qui semble être souvent la caractéristique commune aux fondateurs et dirigeants de groupes à caractères sectaires, mais aussi aux penseurs humanistes. Dans le cas de la pédagogie, ce serait à la demande de l’un de ses amis[18] que R. Steiner entame des conférences en 1919, et que va naître le mouvement des Ecoles Waldorf (appelées généralement en France écoles Steiner).

          Il est très difficile de dissocier les préceptes éducatifs de l’ensemble de l’œuvre de R. Steiner. D’abord parce que lui même imagine la pédagogie comme une semence, des "germes déposés au début de la vie [de l’enfant] qui y demeurent latents, poursuivant une vie obscure sous la surface de sa conscience, jusqu’au jour où ils se manifestent d’une façon remarquable, souvent au bout d’un grand nombre d’années…"[19] Mais quel pédagogue n’est pas persuadé de la longue portée de son enseignement ? Que sème R. Steiner ? Une conception de l’homme et de l’univers, une Weltsanschauung pour utiliser les termes de l’époque, que bien des parents seraient probablement surpris de découvrir aujourd'hui .

          L’anthroposophie, en effet, est issue de la théosophie fondée H.P. Blavatsky et Annie Besant. Steiner adhère à ces conceptions dès 1902. Il s’en sépare en 1913 en raison de divergences doctrinales, mais aussi, semble-t-il, pour des questions de pouvoir. Il reprend l’essentiel de la doctrine théosophique, en l'axant plus nettement sur le personnage central du Christ, qui n’est plus un prophète parmi d’autres, comme pour les théosophes, mais reste cependant très éloigné du Christ des grandes confessions chrétiennes[20].

          La conception du monde de Steiner est fondée sur une néo-interprétation des cycles de réincarnation orientalistes et, comme pour les théosophes, sur un Livre révélé «en rêve» à Steiner, les Chroniques d’Akkacha. Selon lui l’Humanité connaîtrait quatre stades : minéral, végétal, cosmique et stade du « Je », qui correspondent à quatre corps (ou karma) : physique, éthérique, astral et corps du « Je ». Le but initial, pour les enseignants, est donc de repérer à quel stade d’évolution sont les enfants qui leur sont confiés, de façon à leur permettre un maximum de développement au stade où ils se situent. On retrouve cet apprentissage des stades, et des karma dans le « sermon du matin » [Morgengespruch] que le théologien protestant allemand Badewien assimile à une prière ésotérique et qui a été observé dans l’école de Sorgues[21], dans le cadre des inspections conduites par le ministère de l’Education Nationale. On le retrouve aussi dans l’affirmation de Steiner lui-même : « baser la pédagogie sur une observation purement intellectuelle et extérieure à la nature de l’enfant, c’est édifier une pédagogie boîteuse ». On retrouve cette observation de la « nature » de l’enfant ou de l’adulte chez les médecins anthroposophes.

Les pratiques pédagogiques issues d’une telle doctrine

          A l’évidence, le constat préoccupant sur le niveau des enseignants, fait par l’Education nationale[22] s’explique : les enseignants ne seraient pas recrutés pour leur formation intellectuelle et pédagogique, mais pour « leur parcours qualifiant de vie »[23]. Ils doivent, selon Steiner, marquer les enfants par la maîtrise qu’ils ont de leur tempérament. "Pour le petit enfant, jusqu’au moment de la nouvelle dentition, toute l’importance de l’éducation réside dans  la nature  de l’éducateur.  Puis jusqu’à la puberté, l’essentiel  est que  le maître  soit un artiste capable de modeler la vie. C’est seulement lorsque l’enfant atteint la quatorzième ou quinzième année que son instruction et son éducation exigent du maître qu’il lui communique les connaissances mêmes qu’il a acquises."[24]

          Comment s’étonner alors des retards signalés par le rapport d’inspection et l'incertain respect du décret du 23 mars 1999 sur les méthodes actives ? Pour Steiner, l’enfant doit d’abord imiter, puis imaginer, et seulement à l’adolescence acquérir des connaissances intellectuelles.

          L’éducateur n’est plus un enseignant, mais quelqu’un dont la « profession devient un sacerdoce, où la nature humaine elle-même est conduite vers l’éveil à la vie ».

          Comment s’étonner aussi du refus réaffirmé d’un contrôle de l’Etat  par l’ensemble des écoles Waldorf-Steiner de par le monde? Par définition, il faut "détacher totalement l’enseignement de la vie de l’Etat et de l’économie. L’organisation sociale des personnes qui participent à l’enseignement ne doit dépendre d’aucune autre puissance que de ceux qui y travaillent. La gestion des établissements d’enseignement, la mise en place des cours et des programmes doivent être exclusivement confiés à des personnes qui en même temps enseignent ou ont dans la vie de l’esprit une activité productive. Chacune de ces personnes partagerait son temps entre l’enseignement ou une autre activité créatrice de l’esprit, et la gestion du système d’enseignement[25] ". L’école devient un isolat culturel, hors de la vie du siècle. Cela renvoie aux conceptions d’anciens pédagogues qui pensaient en créant un microcosme idéal, transformer le macrocosme, et donc créer un nouvel homme.

          Comment s’étonner de ce qui a semblé surprendre les inspecteurs ? L’eurythmie, imitation simpliste et pour des stades peu évolués de la musique qui remplit le « karma du Je » ? L’Histoire vue comme une suite de mythes nourrissant l’imaginaire ?[26]

          Au plan sanitaire, l’absence de vaccinations surprend également[27]. Les vaccinations ne peuvent agir sur les vraies causes des maladies, situés souvent ailleurs que dans le corps physique. Pour parvenir à traiter et harmoniser les différents corps de l’individu, la médecine anthroposophique, outre l’allopathie ou l’homéopathie, utilise la phytothérapie[28], mais aussi « la peinture thérapeutique, le modelage, la musique ou l’eurythmie curative »[29]. Cette dernière, curative ou non, est fortement remise en cause dans le rapport d’inspection de l’Education nationale. Les inspecteurs de la Direction départementale de l'Action sanitaire et sociale (DDASS) de l’Yonne précisent, pour l’Institut médico-pédagogique (IMP) inspecté, que « les comptes-rendus du psychomotricien qui pratique l’eurythmie curatrice sont basés sur une analyse fumeuse », faisant craindre en conclusion « un probable système de fonctionnement pédagogique très orienté, voire mystique »[30]. A Strasbourg, les inspecteurs et le médecin qui assistent à une séance d’eurythmie en 4° classe sont très critiques : « …revêtus de tuniques uniformes et de la même couleur, ils ont essentiellement imité le professeur d’eurythmie. Aucune initiative ne leur a été offerte… Il s’agit sans doute de la séance la plus étrange qui nous ait été donnée à voir ». Ce rapport est contesté par les dirigeants de la Fédération des Ecoles Steiner et par les chefs des établisssements visités. A Strasbourg, le directeur insiste sur « l’attitude peu compréhensive » des inspecteurs[31], ce que soulignent aussi MM. Dallé et Dahan, représentants de la Fédération des écoles Steiner, auditionnés le 19 octobre 2000 à la Mission.

          On peut aussi s’interroger sur l’appartenance des enseignants. Ils répètent à l’envi que la doctrine de Steiner n’est pas enseignée ("sauf dans les grandes classes"), mais nombre d’entre eux sont membres soit de la Société anthroposophique, soit de la "Communauté des Chrétiens en France"[32]. La question qui se pose alors est celle de la qualification des écoles : il ne s’agit pas à proprement parler d’écoles alternatives, mais d'établissements scolaires se rattachant à une doctrine, l'anthroposophie. Or, certains parents semblent l'ignorer. La même ignorance peut se manifester chez les patients de médecins anthroposophes ou se référant à une « méthodologie » et à une pratique anthroposophique : " Tout membre du Mercure Fédéral[33] s’interdit de faire apparaître son appartenance à une association de médecins anthroposophes ". En revanche "la transparence s’applique dans la relation entre, d’une part, les médecins anthroposophes et, d’autre part, des entités comme les pharmaciens anthroposophes, notamment ceux de la société Weleda."[34]

ANTHROPOSOPHIE ET "DÉVELOPPEMENT SOCIAL", EXEMPLE DE LA MÉDECINE ANTHROPOSOPHIQUE

          La médecine anthroposophique s'affirme en tant que telle et s'inscrit dans un "mouvement philosophique et scientifique" auquel Rudolf Steiner a donné naissance. Les médecins qui s'y réfèrent et qui s'en réclament ont constitué des associations qui se sont unies en juillet 1998 au sein du "Mercure fédéral", association dont les statuts ont été déposés auprès de la sous-préfecture de Palaiseau (91) et enregistrés le 28 juillet 1998.

          La médecine des anthroposophes est qualifiée de "médecine traditionnelle sacrée" par Claudine Brelet dans un article paru dans la revue "CELT". Elle prétend prendre en compte le "Moi total" en partant du postulat que "la biopathologie, la physiologie, que nous enseigne aujourd'hui la faculté, ne nous donnent qu'une réponse très partielle aux questions que nous nous posons sur le cheminement de l'homme malade[35]".

          La médecine commune est ainsi définie comme n'étant "bien souvent qu'une science des étiquettes (la sémiologie) un répertoire composé de trois colonnes : signes, diagnostic thérapeutique où nulle part la personnalité du médecin et celle du malade ne communient"[36].

          Qualifiant ces médecins de "prétendus scientifiques", l'auteur considère que ceux-ci "ont oublié que l'homme dispose de ce dont aucune créature n'a disposé avant lui ; l'esprit, le Moi. Grâce à cet esprit, l'homme issu de la Nature est la Nature. L'homme issu du Soleil éclaire. Et l'homme issu de Dieu est Dieu. Ainsi tout s'éclaire : le médecin comprend et apprend à suivre et à maîtriser ces courants d'énergie dans l'homme, et dans l'univers ces rythmes qui relient les humains aux planètes"[37].

          Poursuivant sa description du regard des médecins anthroposophes sur l'homme et en premier lieu sur l'homme malade, Claudine Brelet précise : "l'homme appartient à la communauté cosmique, et à la communauté terrestre en particulier. Il n'a pas d'existence en

dehors de cette communauté. L'idée de microcosme contenant le macrocosme universel passe ainsi dans le domaine de la réalité, de la connaissance et, par voie de conséquence, dans le domaine de la médecine. Alors, il n'est pas de médecine proprement humaine, mais une médecine de l'univers tout entier[38]".

          Le "Mercure fédéral", autrement dénommé "Union des associations médicales anthroposophiques de France", était composé à son origine de cinq associations. Il a récemment accueilli, selon les dires de son président, une sixième composante "l'Institut Kepler", apparaissant ainsi à la fois diversifié et uni autour de la "pensée".

          S'inscrivant dans une dimension internationale, la démarche des médecins anthroposophes peut aussi être mieux appréhendée par la consultation des sites web étrangers. Ainsi, le site suisse www.edicom.ch/sante/conseils/altern/anthro.html (mis à jour au 8 novembre 2000) ouvre sa présentation sur l'affirmation suivante : "autant le dire tout de suite, l'anthroposophie, dont les bases ont été posées au début du siècle par Rudolf Steiner, ne se contente pas de traiter l'organe malade. A la fois médecine, mais aussi pédagogie, science spirituelle, enseignement ésotérique et philosophie appliquée, elle met l'homme dans une perspective plus large que le seul corps humain. Dans cette approche, lorsque le corps physique est malade, il faut bien évidemment le traiter. Mais pour le médecin anthroposophe, il s'agit aussi de compter avec des corps plus subtils, notamment le corps éthérique, le corps astral et le "je", ou esprit humain, qui englobe les trois précédents.

          C'est généralement dans le corps éthérique, siège des énergies vitales, et le corps astral, siège des sensations et des émotions que la maladie a en fait pris naissance avant de se manifester dans la matière, c'est-à-dire dans le corps de chair et de sang. Il s'agit donc de réharmoniser ces différents corps, afin que tous, du plus sensible au plus dense, visent à l'unisson. Ce qui semble être à la fois la condition et la définition d'une bonne santé. Pour y parvenir et agir aux différents niveaux, la médecine anthroposophe dispose de moyens très diversifiés. Ainsi, la peinture thérapeutique, le modelage, la musique ou l'eurythmie curative font parfois partie intégrante d'un traitement".

          Pour les créateurs suisses de ce site, l'anthroposophie est donc à considérer comme "l'une des cinq médecines complémentaires désormais prises en charge par les caisses maladie"[39].

          Le débat ouvert à l'échelle européenne et en tout premier lieu au sein de l'Union européenne mérite d'être clarifié, compte-tenu de la diversité des informations diffusées au sujet de cette "philosophie mise en pratique" et des incertitudes qui peuvent en résulter, notamment dans l'opinion.

          De ce point de vue, la question écrite posée par le sénateur Haenel à Mme la Secrétaire d'Etat à la Santé et à l'Action sociale apporte quelques éclaircissements du point de vue français mais aussi dans une perspective plus étendue, celle de l'Europe.

          Cette question du 10 février 2000, posée sous le numéro 22731, est la suivante :

          "M. Hubert Haenel attire l'attention de Mme la Secrétaire d'Etat à la Santé et à l'Action sociale sur la médecine anthroposophique. Il observe que cette forme de médecine bénéficie d'une reconnaissance officielle dans les pays d'Europe du nord (Scandinavie, Pays-Bas, Allemagne et, prochainement semble-t-il, Grande-Bretagne) où elle est pratiquée par environ 4000 médecins ; que certains médicaments anthroposophiques ont été assimilés aux médicaments homéopathiques par la directive européenne 92/73 ; que le Parlement européen a, dans sa résolution du 27 mai 1997, cité la médecine anthroposophique parmi les méthodes thérapeutiques bénéficiant d'une reconnaissance légale dans certains Etats membres et a demandé que soient affectés à l'évaluation clinique de cette médecine des crédits européens. Or, il note que, parallèlement, la médecine anthroposophique, qui est exercée en France par 350 praticiens, a été classée parmi les mouvements sectaires par le rapport de l'Assemblée nationale "Les sectes et l'argent", rendu public en juin 1999. Il souhaite donc connaître la position du gouvernement français à l'égard de cette forme de médecine non conventionnelle et de l'homéopathie en général".

          La réponse de la Secrétaire d'Etat, publiée dans le journal officiel du Sénat du 7 septembre 2000, a été ainsi formulée :

          " La médecine anthroposophique [qui] s'inspire d'une tradition mystique et ésotérique d'origine occidentale,. n'est pas une technique médicale reconnue et n'a fait l'objet d'aucune évaluation attestée. Aussi, elle ne fait pas partie des médecines non conventionnelles, telle l'homéopathie, pour lesquelles, dans l'esprit de la résolution du 27 mai 1997 du Parlement européen évoquée par l'honorable parlementaire, la France a entrepris certaines actions dans la perspective de s'engager dans un processus de reconnaissance de ces médecines, tout en veillant à protéger les malades des déviances (charlatanisme, sectes…) nombreuses en ces domaines".

          Compte-tenu d'une actualité, à la fois nourrie et diffuse autour de l'anthroposophie, le sénateur Haenel a réinterrogé oralement la Secrétaire d'Etat à la Santé et aux Handicapés lors de la séance du 7 novembre 2000 en précisant son analyse et ses interrogations au regard, notamment, des travaux en cours au niveau de l'Union européenne, tant au sein du Parlement que de la Commission.

          "Mme la Secrétaire d'Etat, pouvez-vous préciser vos intentions au sujet de la reconnaissance officielle des médecines non conventionnelles, tout particulièrement de la médecine anthroposophique ? Les éléments que vous m'avez adressés en réponse à une question écrite que je vous avais posée à cet égard étaient, en effet, quasi "ésotériques", ce qui explique que je revienne à la charge.

          Dans sa résolution du 27 mai 1997, le Parlement européen constate que le recours d'une partie de la population des Etats membres de l'Union à certaines médecines non conventionnelles ne peut être ignoré. Partant de ce constat, il considère qu'il est important d'assurer aux patients une liberté de choix thérapeutique aussi large que possible en leur garantissant, bien sûr, le plus haut niveau de sécurité, l'information la plus correcte sur l'innocuité, la qualité, l'efficacité et les éventuels risques des médecines dites "non conventionnelles", ainsi qu'une protection contre les personnes non qualifiées. Dans cette même résolution, le Parlement européen demande à la Commission de s'engager dans un processus de reconnaissance des médecines non conventionnelles et, notamment, d'élaborer en priorité une étude approfondie sur l'innocuité, l'opportunité, le champ d'application et le caractère complémentaire et/ou alternatif de chaque discipline non conventionnelle.

          Or, lorsque je vous ai interrogée, Mme la Secrétaire d'Etat, par le biais d'une question écrite, sur la reconnaissance officielle de la médecine anthroposophique, vous m'avez répondu, le 7 septembre dernier, qu'il s'agissait d'une "tradition mystique et ésotérique d'origine occidentale" qui ne faisait pas partie des médecines conventionnelles pour lesquelles la France avait entrepris certaines actions dans la perspective de s'engager dans un processus de reconnaissance officielle, dans l'esprit de la résolution du 27 mai 1997 du Parlement européen.

          Vous ajoutiez que, parallèlement à ces actions, vous veilliez à protéger les malades des déviances - charlatanisme, sectes…qui sont nombreuses en ce domaine. Vous étiez là parfaitement dans votre rôle.

          Or, Mme la Secrétaire d'Etat, la médecine anthroposophique fait bien partie des médecines non conventionnelles pour lesquelles le Parlement européen invite la Commission à entamer des études approfondies.

          Si vous travaillez effectivement dans l'esprit de cette résolution, vous ne pouvez donc ignorer cette médecine. En effet, le Parlement indique, dans son "sixième considérant", que certaines médecines non conventionnelles bénéficient d'une forme de reconnaissance légale dans certains Etats membres, en particulier la médecine anthroposophique. Il ajoute, dans son "huitième considérant", qu'une évolution des législations s'est déjà manifestée, notamment par l'introduction des médicaments dans la pharmacopée, et cite en exemple la médecine anthroposophique en Allemagne. Nous sommes là bien loin, convenez-en, de la description que vous avez faite, Mme la Secrétaire d'Etat, d'une application d'une idée mystique traditionnelle de l'Occident suspecte de sectarisme et de charlatanisme !

          Il va de soi que le double principe de la liberté pour les patients de choisir la thérapeutique qu'ils souhaitent et de la liberté pour les praticiens d'exercer leur profession implique qu'il faut garantir l'innocuité et la qualité des traitements dispensés, assurer une formation appropriée des praticiens, codifier leur statut professionnel et introduire les remèdes de ces médecines dans la pharmacopée européenne.

          En conclusion, nos concitoyens sont en droit de connaître votre position, Mme la Secrétaire d'Etat. Celle-ci doit être claire et déterminée à l'égard tant de la médecine anthroposophique que de la mise en œuvre des études nécessaires à l'engagement, le cas échéant, d'une procédure de reconnaissance officielle de celle-ci par la France afin d'en finir une bonne fois pour toutes avec les ambiguïtés actuelles et, parfois, avec les procès en sorcellerie engagés ici ou là.

          Nos concitoyens sont en droit d'attendre des pouvoirs publics qu'ils prennent une position officielle dans le cadre national et européen".

          La Secrétaire d'Etat a apporté les réponses et les précisions suivantes :

          "M. le Sénateur, vous appelez mon attention sur les mesures qui ont été prises en France pour assurer la reconnaissance de la médecine anthroposophique.

          Je récuse le qualificatif de "charlatanisme", mais je maintiens que la médecine anthroposophique s'inspire d'un mouvement mystique et ésotérique d'origine occidentale. Ce n'est pas une technique médicale reconnue et elle n'a fait l'objet d'aucune évaluation validée scientifiquement. Si la résolution du 27 mai 1997 du Parlement européen, à laquelle se réfère votre question, constitue une première étape dans la voie de reconnaissance des médecines non conventionnelles, elle présente le caractère d'une recommandation et ne saurait avoir actuellement une valeur contraignante. Par ailleurs, la directive 92/73/CEE du 22 septembre 1992 élargissant le champ d'application des directives précédentes concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives aux médicaments et fixant des dispositions complémentaires pour les médicaments homéopathiques, sur laquelle vous vous fondez pour solliciter la reconnaissance de la médecine anthroposophique, ne réglemente pas à proprement parler deux types de médicaments, respectivement homéopathiques et anthroposophiques.

          Ce texte se borne à préciser, dans ses considérants d'introduction et non dans son dispositif, que les médicaments anthroposophiques ne sont assimilables aux médicaments homéopathiques que dans la mesure où ils sont décrits dans une pharmacopée officielle et préparés selon une méthode homéopathique. Loin de placer les deux types de médicaments sur un même pied, cette assertion illustre parfaitement les limites que rencontre actuellement le concept de médecine anthroposophique. Sur l'ensemble de ces sujets, le gouvernement français observe une attitude pragmatique. Il s'est, en conséquence, déjà engagé dans un travail sur l'ouverture à des non-médecins de la pratique de certaines techniques jusque-là réservées aux médecins, telles que l'ostéopathie ou la chiropraxie. La reconnaissance de la médecine anthroposophique ne fait pas, pour le moment, partie de ses préoccupations".

          Existe-t-il une "médecine anthroposophique" ou ne s'agirait-il pas plutôt au jour d'aujourd'hui d'une "pratique médicale" ou d'une "technique médicale" comme le souligne la Secrétaire d'Etat à la Santé ?

          La reconnaissance n'est donc pas acquise, si la question a été posée. Le secrétariat d'Etat à la Santé, pour ce qui le concerne, ainsi que d'autres départements ministériels compétents devraient être en mesure d'exercer leur vigilante attention à l'égard des développements éventuels de cet aspect particulier de l'anthroposophie.

UNE DÉMARCHE BANCAIRE, MOTEUR D'UNE STRATÉGIE DE DÉVELOPPEMENT

Liens et réseaux

----------

                    La question des liens entre membres d'entités distinctes ayant chacune une référence à l'anthroposophie et à son fondateur, Rudolf Steiner, d'une part, et entre ces entités juridiques proprement dites, d'autre part, peut être abordée au regard des finalités et des orientations stratégiques de la Nouvelle Economie Fraternelle (NEF). Quelques éclaircissements paraissent nécessaires.

                    La dénomination NEF recouvre deux institutions que les fondateurs de l’une et de l’autre qualifient d’étroitement liées.

                    La première est l’association Nouvelle Economie Fraternelle créée en 1979 et définie par ses dirigeants comme un "laboratoire d’idées".

                    La seconde, Société financière de la NEF (SOFINEF), constituée par l’association en 1988, est un organisme bancaire revêtant la forme juridique d’une société anonyme affiliée à la Caisse Centrale de Crédit Coopératif.

                    Elle est définie par ses fondateurs comme étant un "organisme bancaire d’orientation anthroposophique".

                    Ceux-ci font régulièrement référence à la pensée et aux écrits de Rudolf Steiner qui inspirent tant l’association que la société financière au titre des engagements économiques et sociaux respectifs de l’une et de l’autre.

                    De ce fait, l’article 3 des statuts de l’Association déposés le 18 mars 1979 peut être considéré comme essentiel pour la compréhension des finalités et des choix stratégiques de la SOFINEF, notamment dans le domaine de la collecte d’épargne et dans le cadre de l’octroi de prêts :

          "L’Association a pour objet :

- l’étude, en vue de sa mise en œuvre, de la pensée économique, sociale et culturelle issue des impulsions données par Rudolf Steiner;

- l’assistance et le conseil pour la réalisation de projets d’ordre philanthropique ou social ayant un caractère manifeste de bienveillance, ainsi que la recherche de modalités adéquates pour leur financement ;

- le conseil dans l’orientation et l’utilisation des fonds destinés à ces projets.

            D’une manière générale, elle cherchera à œuvrer pour rendre plus consciente la circulation et l’utilisation de l’argent.

            Elle pourra prendre toute initiative contribuant à cet objet."

                    Selon leurs propres écrits, "l’Association et la Société financière sont membres de réseaux et de cercles d’institutions en France et au niveau européen, qui oeuvrent pour une économie et des rapports sociaux plus solidaires"[40].

                    L'objectif essentiel que paraissent s'assigner les dirigeants de l'association NEF et de la SOFINEF depuis 1995 est l'accession de la Société financière à un niveau de capital susceptible de permettre l'obtention du statut d'organisme bancaire de plein exercice[41].

                    Les choix stratégiques opérés conjointement par les deux structures visent à ouvrir le capital à des "prêteurs non usagers", sources de financement non directement impliquées dans le schéma "solidaire" fondé sur le soutien à des initiatives correspondant aux grands thèmes de la pensée anthroposophique et tendent à diversifier l'éventail des "actionnaires et amis notamment en direction d'entités institutionnelles".

                    Ainsi voit-on apparaître de façon claire et insistante dans les documents statutaires de la NEF la notion de "réseaux ». Ces réseaux rassemblent des entités signalées sous les titres :

                    . mouvement Steiner

                    . agriculture

                    . écologie et environnement

                    . organisation financière

                    . développement

                    . organisations coopératives

                    . logement social

                    . groupes sociaux

          L’appartenance aux réseaux se manifeste soit par référence aux fondements de la "pensée anthroposophique" soit par accord de partenariat avec la NEF. Celle-ci peut donc apparaître comme ayant pour stratégie de fédérer l'ensemble. Cette architecture en réseau permet d'apprécier la place occupée par la "pensée" de Steiner dans les choix d'orientation stratégique effectués au sein de la NEF.

                    Ainsi, au cours des années, une évolution importante s'est manifestée dans la nature et la typologie des prêts accordés. Jusqu'en 1994-1995, étaient privilègiés, semble-t-il les demandeurs de prêts, membres ou fortement engagés aux côtés de structures faisant directement ou indirectement référence à l'anthroposophie. Par la suite, l'arrivée de nouveaux organismes dans le "réseau NEF" paraît avoir modifié notablement la répartition des prêts sans que les finalités initiales aient été abandonnées ou, du moins, réorientées.

                    Le "mouvement Steiner" reste l'élément clef du développement stratégique. La NEF apparaît ainsi comme le fédérateur des initiatives inspirées par le mouvement tête de réseau. Les projets sont partagés par les apporteurs de capital institutionnels, dont les membres peuvent devenir de nouveaux emprunteurs et les associations porteuses du projet d’origine.

                    Parallèlement, il est observable que les pôles essentiels de l'expression anthroposophique, essentiellement via l'éducation et l'agriculture biologique, font l'objet d'une attention renforcée, particulièrement depuis la parution du rapport de la Commission parlementaire d'enquête « sur la situation financière patrimoniale et fiscale des sectes ainsi que sur leurs activités économiques et leurs relations avec les milieux économiques et financiers »[42].

                    Le contexte de développement rapide, tendant à mettre au service l’"économie solidaire" un instrument bancaire autonome de plein exercice inspiré par les principes de Rudolf Steiner laisse penser que les théories du fondateur de l’anthroposophie ne sont plus la référence unique de ceux qui s’engagent dans le cadre d’activités soutenues financièrement par la NEF.

                    Le président de l’association NEF pouvait ainsi écrire en janvier 1999 dans une "Lettre aux membres" : "la référence aux impulsions de Steiner n’a rien perdu de sa justification historique même si elle n’a plus la même signification pour tous les membres de l’association qui a vu son sociétariat beaucoup s’élargir et se diversifier. La principale initiative prise pour réaliser l’objet de l’association a été la création de la société financière de la NEF. C’est essentiellement par elle qu’à partir de 1989 a pu être expérimentée réellement la circulation transparente de l’argent et qu’ont pu être aidés et financés de nombreux projets entrant dans les champs d’action initialement choisis".

                    Se pose alors à l’auteur de ces propos la question de la dissolution de l’association, hypothèse dont l’examen s’avère indispensable tant pour les dirigeants de l’association que pour ceux, bien souvent communs, de la société financière, en raison d’une disposition du Ministère de l'Economie et des Finances datant de 1998 qui précise les conditions dans lesquelles les associations pourraient garder un caractère « non lucratif ». Cette disposition induit l’incompatibilité d’une implication du président de l’association et celle du président directeur général de la société financière dans le Conseil de l’association.

                    Ledit Conseil s’est saisi de cette question au cours de l’année 1999. Dans l’hypothèse d’une dissolution, le président de l’association a considéré que "certaines des fonctions de l’association pourraient être assumées à l’intérieur de la future banque mais [que] demeure en tout cas la fonction de collecte de l’argent de dons[43] qui requiert le concours d’une structure de nature « fiduciaire », donc d’une association".

                    Ainsi, la doctrine de l’anthroposophie devrait continuer d’être le fondement des actions menées sous l’égide de la SOFINEF au travers de son réseau, tout particulièrement dans le cadre de l’aide à la création ou à la reprise d’entreprises, d’une part, et, d’autre part, de la réinsertion sociale.

Concrètement, les décisions des dernières assemblées générales concourrent à maintenir les orientation fondatrices grâce à la confirmation ou à l'élection de dirigeants anthroposophes au sein de la SOFINEF, lors du renouvellement des instances de direction.

Il est vraisemblable, comme le signale dans un droit de réponse[44], un dirigeant de la NEF que le Conseil de surveillance de celle-ci compte cinq membres sur huit sans relation personnelle avec le courant anthroposophique. Selon des documents communiqués à la Mission, des membres du Directoire et du Conseil de surveillance de la SOFINEF pourraient, simultanément, être membres de la "Communauté des Chrétiens en France" ou avoir des liens d'ordre familial avec des membres de la Société anthroposophique ou de la "Communauté des Chrétiens".

Cette évolution politiquement maîtrisée semble s’inscrire dans le cadre d’une européanisation, voire d’une mondialisation de l’action. En effet, la SOFINEF a pour ambition de rejoindre à cette étape de son développement des institutions bancaires d’inspiration ou de doctrine anthroposophique existant dans d’autres pays européens depuis plusieurs années, "Die Gemeinschaftsbank" en Allemagne, "De Triodosbank" aux Pays-Bas, "Mercury" en Grande-Bretagne et la « Banque Communautaire Libre » en Belgique qui interviennent sur le champ des "politiques alternatives".

Cette réalité est-elle le fruit du hasard ? Elle peut aussi être considérée comme la résultante d'une volonté stratégique de cloisonnement formel de différentes structures proches les unes des autres.

L’évolution récente de la SOFINEF vise, semble-t-il, à donner plus d’autonomie aux projets initiés par l’ensemble des organismes et entités juridiques qui sont en lien avec elle. Les courriers reçus à la Mission font apparaître que des personnes physiques ou morales associées à certaines actions des divers organismes membres des "réseaux" ne disposent pas d’une connaissance approfondie des stratégies et actions conduites en matière financière et bancaires par la Société financière.

– o –

CONCLUSION GENERALE DE L'ÉTUDE DE CAS

          Au terme de cette première étude sur un mouvement ne relevant pas des deux premiers ensembles d'associations, tels qu'ils ont été définis dans le rapport de 1999 de la Mission, donnons une nouvelle fois la parole à un commentateur issu de l'anthroposophie, sinon missionné par elle.

          "L'anthroposophie, science spirituelle élaborée au début du XXe siècle par Rudolf Steiner, ouvre, d'une part, la voie à une perception et à une compréhension approfondie des principes régissant l'être humain et la nature et, d'autre part, à une action inspirée de cette perception. Elle a entre autres engendré les écoles Steiner, la culture bio-dynamique, une démarche scientifique d'inspiration sociale, ainsi qu'une médecine et une pharmacie anthroposophique "[45].

          Ces mots sont de la plus grande importance : nous sommes ici en présence d'un mouvement qui se présente comme une "science spirituelle" et débouche sur de multiples formes d'actions conduites par des personnes physiques et morales dans les domaines les plus divers. Ces actions sont, à l'évidence, confortées par une démarche bancaire qui se veut autonome sinon indépendante.

          Les implications pratiques de ces formes d'action sont visibles. Sont-elles pour autant lisibles ?

          Il apparaît indispensable pour les pouvoirs publics de maintenir une politique de veille soutenue et un dispositif de contrôles coordonnés, tenant compte de la grande variété des entités agissant dans le contexte anthroposophique. Il conviendra également de ne pas négliger les recherches académiques annoncées, tant en France que dans d'autres pays où l'anthroposophie, mouvement polymorphe, s'est diversement implanté


ANNEXES

1)    Avis de la Commission Nationale Consultative des Droits de l'Homme

2)    Préambule de la Charte des Droits Fondamentaux de l'Union Européenne

3)    Résolution 32 du Parlement Européen

4)    Recommandation 1412 du Conseil de l'Europe

A PROPOS D'ECRITS EN QUESTION

Plusieurs ouvrages de R. Steiner contiennent des allégations particulièrement contestables.

D’autres auteurs, écrivant à la même époque, ont proféré des opinions similaires. Toutefois, si leurs écrits n'ont pas été republiés, il n'en va pas de même des ouvrages de R. Steiner qui ont fait l'objet, particulièrement en Suisse, de nombreuses et récentes rééditions. Quelques exemples :

[R. Steiner place les continents sur une ligne de force, en forme de fer à cheval couché horizontalement et ouvert à gauche. L’Europe est à la pointe extrême (en haut), l’Afrique à la pointe extrême (en bas) et l’Asie, sur l’arrondi de la courbe à droite.]

"Au point en Afrique correspondent les forces qui impriment à l’homme les signes caractérisant la première enfance, au point asiatique celles qui donnent à l’homme les signes de la jeunesse ; dans les contrées d’Europe, ce point marque l’homme des signes de la maturité. […] aucune race n’est défavorisée, du fait que tous les hommes s’incarnent dans les différentes races au cours des  vies successives.[…] Le peuple indien d’Amérique s’éteint, non parce que cela arrangeait les Européens, mais parce qu’il a dû ( étant situé à l’ouest de l’Europe, NDLR)  prendre en lui les forces qui l’entraînaient vers son déclin."

Steiner, Rudolf. Ames des peuples : la mission des âmes de quelques peuples dans ses rapports avec la mythologie germano-nordique. Paris, réédition par Triades, 1973. 154 p.

"Je me suis rendu récemment à Bâle où j’ai trouvé[…] un roman nègre qui s’inscrit tout à fait dans la ligne d’une infiltration progressive de la civilisation africaine dans la civilisation européenne contemporaine.[…] Je suis convaincu que s’il sort encore un certain nombre de romans nègres et que nous en donnons à lire aux femmes enceintes notamment dans les tous premiers temps de leur grossesse, où elles manifestent parfois de telles envies aujourd’hui – si nous leur donnons des romans nègres, il n’est absolument pas nécessaire que des noirs viennent en Europe pour qu’il y ait des mulâtres ; l’effet spirituel de ces lectures donnera naissance en Europe à un bon nombre d’enfants tout gris, qui auront des cheveux mulâtres, des enfants qui auront l’apparence d’enfants mulâtres."

Steiner, Rudolf. Santé et maladie : fondements d’une étude sur les sens par les méthodes de la science spirituelle. Genève : Editions anthroposophiques romandes, réédition de 1989.

***

Une commission constituée pour examiner "l’anthroposophie et la question de la race" s’est réunie aux Pays-Bas en avril 2000 pour examiner le problème posé par diverses allégations de R. Steiner. Elle a confirmé son rapport préliminaire de février 1998, selon lequel l’œuvre de Rudolf Steiner ne contiendrait "ni doctrine raciale, ni déclaration, faites dans le but d’insulter des personnes, ou groupes de personnes, à cause de leur race, et qui pourraient donc être qualifiées de racistes."

Cependant la commission conclut également que "seize citations, si elles étaient reprises en public par une personne de sa propre autorité,  pourraient représenter une violation de la prohibition de la discrimination raciale reprise dans le code criminel des Pays-Bas."

La validité des conclusions de cette commission paraît incertaine dans la mesure où elle relève de l’Association anthroposophique néerlandaise et non d’une instance indépendante.



[1] Ils ne laissaient d'ailleurs guère de place aux non-croyants, aux agnostiques ou aux indifférents : les hommes n'y naissaient pas libres et égaux, comme dans la Déclaration des Droits de l'Homme française de 1789, ils étaient "créés égaux et dotés par le Créateur de certains droits inaliénables".

[2] Les associations se créent sans aucune autorisation préalable. Elles disposent de la personnalité juridique du seul fait du dépôt de leurs statuts. En France, on n'interdit pas une association, mais l'autorité administrative ou judiciaire peuvent sous certaines conditions la dissoudre pour avoir violé l'ordre public.

[3]  A l'exception des trois départements d'Alsace-Moselle régis par le droit allemand antérieur à leur retour dans la communauté nationale (1918); de la "collectivité territoriale" de Mayotte au statut évolutif et, pour certains aspects particuliers, du département d'outre mer de Guyane.

[4] Associée à l'Eglise évangélique de la Grâce, laquelle n'est pas répertoriée au sein de la conférence des églises protestantes de France

[5] La Résolution 1997-n°32, adoptée le 17 décembre 1998 : "invite les Etats membres à prendre des mesures, dans le respect des principes de l'Etat de droit, pour combattre les atteintes aux droits des personnes provoquées par certaines sectes auxquelles devrait être refusé le statut d'organisation religieuse ou cultuelle qui leur assure des avantages fiscaux et une certaine protection juridique". voir annexe.

[6] voir annexe

[7] voir annexe

[8] Selon des informations syndicales portées à la connaissance de la Mission.

[9] Ce qui pourrait éventuellement être le cas des organisations militarisées de quelques grandes sectes multinationales sanctuarisées aux Etats-Unis dont les proclamations sont autant d'"Appel aux armes" contre les institutions démocratiques.

[10] Depuis 1994, le Code pénal prévoit la sanction des personnes morales.

[11] Voir annexe

[12] Circulaire n°501 du 3 octobre 2000.

[13] Thésaurus des domaines de formation, réalisé et édité par le Centre Info.

[14] Galaxie: (fig.) "Ensemble formé par tout ce qui, de près ou de loin, participe d'une même activité" par opposition à nébuleuse : (fig.) "Rassemblement d'éléments hétéroclites aux relations imprécises et confuses" (Larousse illustré).

[15] Les comptes-rendus des auditions et les courriers reçus des associations auditionnées sont archivés à la Mission et peuvent être consultés.

[16] Voir annexe.

[17] dont les sources d'information sont placées sous embargo, conformément à l'article 5bis, 2e, alinéa de l'Instruction générale du 22 juillet 1959.

[18] E. Molt, directeur des usines Waldorf-Astoria.

[19] R. Steiner, Education des éducateurs. Cinq conférences faites à Stuttgart du 8 au 11 avril 1923, 2e édition, Editions anthroposophiques romandes, 1988, 127 pages, p.12.

[20] J. Badewien, Waldorfpädagogik-eine christliche Erziehung ?, op. cit.

[21] « agitation de cloche, allumage de bougies, invocation divine à forte connotation naturaliste récitée collectivement, bras croisés sur la poitrine ».voir p.5 du Rapport de l’Education Nationale sur le contrôle des Ecoles Steiner effectué le 14 décembre 1999, rendu public le 17 mai 2000.

Les autres inspecteurs sont arrivés plus tard dans les écoles, et n’ont donc pas signalé ce rituel du matin, qui peut-être n’existe qu’à Sorgues.

[22] Rapport de l’Education Nationale sur le contrôle des Ecoles Steiner effectué le 14 décembre 1999, rendu public  le 17 mai 2000.

[23] Entretien du 19 octobre à la Mission

[24]R. Steiner,. op. cit., p.22.

[25] R. Steiner, L’éducation de l’enfant : un choix de conférences et d’écrits, Triades, 1999, 163p., p. 72 (Chapitre « Pour une école libre, publié en 1919)

[26] Rapport de l’Education Nationale, op. cit.

[27], Des problèmes de vaccination semblent exister dans toutes les écoles, sauf à Strasbourg et dans l’IME de Sorgues. Deux écoles (Verrières le Buisson et Laboissière-en-Thelle) ne peuvent présenter aucun dossier médical le jour de l’inspection ( Rapport de l'Education nationale, op. cit.).

[28] produits Weleda, groupe pharmaceutique suisse se référant à l'anthroposophie.

[30] Rapport de l’Education Nationale, op. cit.

[31] Lettre du 9 mai 2000 du directeur de l’Ecole Michaël à l’Inspecteur d’Académie.

[32] Association spirituelle se référant à l'anthroposophie, sans reconnaissance des églises chrétiennes.

[33] Association fédérant les médecins anthroposophes.

[34] Idem.

[35] La médecine des anthroposophes - Revue Celt - Claudine Brelet - page 105

[36] idem

[37] idem p.106

[38] idem p.108

[39] site internet www.edicom.ch/sante/conseils/altern/anthro.html

[40] "Pour que l'argent relie les hommes" (brochure éditée par la Nouvelle Economie Fraternelle) - Partie I : "Qu'est-ce que la NEF ?".

[41] Cette requête semble avoir été rejetée.

[42] Assemblée nationale, juin 1999.

[43] L'argent de dons représente l'une des trois formes d'argent définies par Steiner dans ""Pour que l'argent relie les hommes" (chapitre 5 "Sources d'inspiration" - c-"les trois natures de l'argent").

[44] Le "Vrai Papier Journal" du mois de septembre 2000

[45] cdcp.free.fr/dossiers/anthrodef/anthro-f.htm.

 

Volver a inicio

 

Homepage Índice temas Links Autor Emaaps Libros Aviso Legal / Privacidad Si no puede acceder al e-mail del autor, permita "contenido activo" o "bloqueado" en su navegador. Es una maniobra segura para usted (la dirección de e-mail está en un script de java para evitar el spam).    

© Pepe Rodríguez. Todos los derechos reservados. Los textos e ilustraciones de este web están protegidos por copyrigth y su reproducción y distribución están prohibidos por la legislación vigente, salvo autorización por escrito de su autor.